Egypte: le droit de manifester menacé par une loi

Des policiers égyptiens tirent des gaz lacrymogènes sur des manifestants pro-Morsi, le 29 novembre, au Caire. - -
Promulgué dimanche, le texte de loi a déjà fait beaucoup de bruit. Le président égyptien par intérim, Adly Mansour, a annoncé en fin de semaine dernière la mise en place d'une loi controversée. Le texte permet aux autorités d'interdire certaines manifestations considérées comme une menace à la sécurité publique, mais aussi de punir les désobéissants et de réprimer violemment les rassemblements. L'ONU, qui voit ce texte d'un mauvais œil, a d'ores et déjà demandé au Caire de tempérer cette loi.
Consignes précises et utilisation de la force
Cette initiative du pouvoir égyptien provoque l'ire des défenseurs des droits de l'Homme, prévoit des peines d'un à cinq ans de prison ferme pour des délits allant du port de la cagoule à celui d'armes, lors de défilés ou de rassemblements. La loi oblige en outre les organisateurs des manifestations à informer les autorités de leur démarche au moins trois jours avant sa tenue.
S'ajoute à cela l'obligation de fournir leurs coordonnées, le lieu ou le trajet du cortège, leurs revendications, jusqu'aux slogans qui seront scandés. Le ministère de l'Intérieur peut ensuite décider d'interdire le rassemblement s'il juge qu'il représente une "menace pour la sécurité".
Multiplication des répressions violentes
Cette loi intervient alors que les manifestations des pro-Mohamed Morsi, l'ancien président islamiste destitué début juillet, sont très violemment réprimées depuis la fin de l'été. En cas de violences de la part des manifestants, elle prévoit une "utilisation graduée de la force", allant des "avertissements verbaux au tir de chevrotine en passant par les canons à eau, les matraques et les gaz lacrymogènes".
Depuis la promulgation de la loi, deux militants très actifs et connus en Egypte, Alaa Abdel Fattah et Ahmed Maher, fers de lance de la révolte de 2011 qui avait chassé Hosni Moubarak du pouvoir, ont été arrêtés pour rassemblement illégal, mercredi, et un étudiant a été tué lors de la répression d'une manifestation pro-Morsi, jeudi, au Caire. Vendredi, les Frères musulmans ont manifesté à travers le pays et des affrontements ont éclaté avec la police dans la capitale, à coups de jets de pierres et de gaz lacrymogènes.
Inquiétudes à l'ONU
Décriée avant même sa mise en place par les militants des droits de l'Homme, la loi est considérée par ces derniers comme une "approche oppressive" du gouvernement dirigé par l'armée. Une vingtaine d'organisations de défense des droits dénoncent ainsi une mesure "criminalisant les manifestations publiques et donnant carte blanche à l'Etat pour disperser par la force des rassemblements pacifiques".
De son côté, l'ONU, par la voix de Ban Ki-moon, a demandé aux autorités égyptiennes d'"envisager des amendements" à cette loi, le secrétaire général des Nations unies se disant "gravement préoccupé par les détentions et la dispersion brutale des manifestants".