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Deux juges d'instruction pour un marché d'armement saoudien

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PARIS (Reuters) - Deux magistrats ont été désignés vendredi en France pour instruire une affaire de corruption présumée concernant un important...

PARIS (Reuters) - Deux magistrats ont été désignés vendredi en France pour instruire une affaire de corruption présumée concernant un important marché d'armement en Arabie saoudite, a-t-on appris de source judiciaire.

La présidence du tribunal de Paris a désigné les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, ce qui devrait satisfaire les familles des victimes françaises de l'attentat de Karachi, qui voulaient éviter la séparation des deux enquêtes.

Le procureur de Paris Jean-Claude Marin a ouvert mardi dernier une information judiciaire pour "abus de biens sociaux, recel et complicité de recel" sur le marché de frégates livrées à l'Arabie saoudite dans les années 1990 pour un montant équivalent à 2,9 milliards d'euros, contrat appelé Sawari II.

Renaud Van Ruymbeke avait demandé à être saisi de ces faits pour compléter la procédure portant sur un autre marché, celui d'une vente de sous-marins au Pakistan en 1994.

Le contrat Sawari II a été conclu entre l'Arabie saoudite et la Direction des constructions navales (DCN), société publique.

L'attentat de Karachi, au Pakistan, dans lequel ont péri en 2002 onze Français travaillant pour la DCN à la construction de sous-marins est la toile de fond de ces affaires.

Les juges examinent l'hypothèse selon laquelle cet attentat aurait été commis par vengeance après l'arrêt des paiements de commissions en marge de tous les marchés d'armement, décidé par Jacques Chirac après son élection à l'Elysée en 1995.

COMMISSIONS OCCULTES

L'arrêt de paiement était motivé par des soupçons de retour frauduleux d'une partie de l'argent en France au profit de la campagne présidentielle du rival de Jacques Chirac, Edouard Balladur, opération de corruption appelée "rétrocommissions".

L'enquête judiciaire et une mission d'information parlementaire ont établi que deux intermédiaires libanais, Ziad Takieddine et Abdul Rahman el Assir, étaient intervenus dans les deux marchés pakistanais et saoudien.

Ces intermédiaires devaient toucher 33 millions d'euros dans le contrat des sous-marins et 200 millions en marge du contrat saoudien, ont déclaré des dirigeants de la DCN aux juges.

L'argent passait par deux sociétés créées au Luxembourg par la DCN avec, selon un rapport de police luxembourgeois, l'aval d'Edouard Balladur et de Nicolas Sarkozy, ministre du Budget à l'époque. Ce dernier conteste le rôle qui lui est prêté.

Après la décision de Jacques Chirac, les intermédiaires en question ont été privés, selon les auditions des dirigeants de la DCN, d'environ neuf millions d'euros sur le Pakistan et de la majeure partie des 200 millions prévus dans le cadre du contrat sur l'Arabie saoudite.

Olivier Morice, avocat des familles des victimes de l'attentat de Karachi, a écrit à la présidente du tribunal de Paris pour lui demander de désigner Renaud Van Ruymbeke, et non un autre juge, pour instruire l'information sur Sawari II.

Sur le volet pakistanais lui-même, le juge Van Ruymbeke s'est déclaré compétent pour enquêter sur les accusations de "corruption et abus de biens sociaux" mais le parquet a fait appel et la chambre de l'instruction devra donc trancher. Une audience est programmée le 10 janvier.

Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse