"Action militaire aérienne" contre l'EI en Irak, en Syrie: quel rôle pour la France?

Appontage d'un Rafale sur le porte-avions Charles de Gaulle, en 2007. (illustration) - Patrick Valasseris - AFP
Intervenir ou pas contre l'État islamique? A cette question, le président américain Barack Obama a tranché, annonçant dans la nuit de mercredi à jeudi des frappes aériennes à venir contre EI, à la fois en Irak et en Syrie. Une intervention militaire à laquelle pourrait contribuer la France.
Pour la première fois mercredi soir, Laurent Fabius a en effet évoqué "si nécessaire" une "action aérienne" en Irak, où François Hollande doit se rendre vendredi. Rien n'a été précisé en revanche par la diplomatie française sur "une action aérienne" en Syrie, selon les termes du quai d'Orsay ,contacté jeudi matin par BFTMV.com. "Assad est du côté du problème et pas du côté de la solution", indique-t-on.
> Quel serait le rôle de la France?
Depuis l'été, la France livre des armes aux peshmergas kurdes, qui combattent les jihadistes dans le nord de l'Irak tout en délivrant une aide humanitaire aux populations prises au piège des combats. La participation à des actions militaires aériennes en Irak marquerait une nouvelle étape.
Une action aérienne "si nécessaire". Laurent Fabius a évoqué cette possibilité mercredi soir, lors d'un discours à l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences-Po). "En Irak, le gouvernement et les minorités ont appelé à l'aide: nous y répondons par des livraisons de matériels militaires et par de l'aide humanitaire", a-t-il souligné. Et le ministre des Affaires étrangères d'ajouter: "Nous participerons si nécessaire à une action militaire aérienne". C'est la première fois qu'un membre du gouvernement parle d'un tel engagement aérien en Irak de manière aussi claire.
Une action en Irak, sous condition en Syrie. Le chef de la diplomatie française distingue cependant les cas irakiens et syriens. La France doit agir en Irak et en Syrie, "mais pas selon les mêmes modalités", a détaillé le ministre français.
> Pourquoi intervenir en Syrie est-il plus délicat qu'en Irak?
Pour des raisons juridiques. Selon une source diplomatique, ce qui empêche la France d'intervenir militairement en Syrie est l'absence de cadre légal international. Dans le cas de l'Irak, l'opération militaire occidentale se ferait à la demande des autorités irakiennes, voire avec un mandat de l'ONU. L'article 51 de la Charte des Nations unies permet en effet d'invoquer la "légitime défense" pour intervenir, au cas où un pays membre "est l'objet d'une agression armée". Dans le cas syrien, il n'existe pas de résolution onusienne pour intervenir légalement, les veto récurrents de la Chine et la Russie au Conseil de sécurité de l'ONU bloquant toute possibilité d'intervention en Syrie depuis deux ans.
Pour des raisons diplomatiques. La communauté internationale refuse de coopérer avec le président Bachar al-Assad. "En Syrie, la situation est différente, estime Laurent Fabius. Bachar al-Assad ne peut pas être un partenaire, lui dont la complicité avec Daech (autre nom de l'Etat islamique) est établie. C'est pourquoi nous continuerons à aider l'opposition modérée syrienne qui combat à la fois Daech et le régime al-Assad".
Pour des raisons techniques. Le pouvoir syrien doit nécessairement être prévenu avant des frappes, pour des soucis de coordination et pour éviter toute bavure. "Il faut une planification très pointue des renseignements au sol", explique Ulysse Gosset, spécialiste géopolitique de BFMTV. Des contacts directs ou indirects existeraient déjà entre Américains et Syriens.
> Toute intervention en Syrie est donc interdite?
Pas tout à fait. Un autre argument juridique pourrait légitimer une action militaire en territoire syrien sans attendre une résolution des Nations Unies: le "droit de suite". Ainsi, explique Ulysse Gosset, "si un groupe de militants jihadistes ou de soldats est visé par des frappes d'avion français ou américain, et qu'il se réfugie en Syrie, la France pourrait le poursuivre dans ce pays".
> Quels pays sont prêts à intervenir en Syrie?
L'Allemagne et le Royaume-Uni ont d'ores et déjà indiqué jeudi qu'ils ne participeraient pas à d'éventuelles frappes aériennes en Syrie (et en Irak non plus pour ce qui le concerne, indique Berlin). Si la France venait à suivre les Américains dans une opération militaire en Syrie, Paris poserait également "ses conditions", explique Ulysse Gosset et souhaiterait notamment "pouvoir choisir ses cibles".
> Ces frappes aériennes seront-elles suffisantes pour contrer l'EI?
"On n'arrive jamais à régler un problème uniquement avec des frappes aériennes. La difficulté, c’est que nous connaissons mal cet adversaire", a expliqué mercredi soir le Général Vincent Desportes à BFMTV. Selon lui, "il faudra que des troupes au sol interviennent". Mais, nuance importante, ces troupes pourraient ne pas être occidentales, mais irakiennes ou kurdes.
Disposant de 15 à 20.000 hommes bien armés et de moyens financiers importants, beaucoup s'accordent à dire que l'Etat islamique va constituer une menace durable. Comme en Afghanistan, la lutte pourrait se prolonger pendant des années, créant un risque d'enlisement. "Barack Obama termine son mandat en annonçant une guerre qu'il va laisser à son successeur, peut-être Hillary Clinton", note ainsi François Durpaire, spécialiste des Etats-Unis.