Lyon-Turin: pourquoi des militants écologistes s'opposent-ils au projet ferroviaire?

Des opposants à la ligne ferroviaire grande vitesse Lyon-Turin sont rassemblés le 17 juin 2023 à La Chapelle, en Savoie - Olivier CHASSIGNOLE
Entre 2000 et 4000 manifestants se sont rassemblés ce samedi dans la vallée Maurienne en Savoie pour protester contre la construction de la ligne ferroviaire grande vitesse Lyon-Turin. Une action menée à l'appel de plusieurs organisations écologistes, dont le collectif Soulèvements de la Terre.
Plusieurs groupes écologistes, le parti Europe-Écologie Les Verts, ATTAC Savoie et Vivre et Agir en Maurienne, se sont mobilisés et ont déposé ensemble une requête pour permettre à la manifestation d'avoir lieu, mais elle a été rejetée vendredi par le tribunal administratif de Grenoble. Les manifestants ont malgré tout bravé l'interdiction.
Autre signe du soutien des écologistes à la manifestation, le maire EELV de Grenoble Éric Piolle a fait le déplacement en vallée de Maurienne pour soutenir les opposants au projet ce samedi.
"La France a trop peu investi d'argent dans le transport ferroviaire au niveau national. Et maintenant elle veut faire croire que nous relancerons l'activité avec le projet LGV, mais c'est absurde", avait-il déjà tancé en 2022 dans les colonnes de La Stampa.
Encourager le recours au train pour les partisans du projet
Pour les partisans du projet, la nouvelle ligne à grande vitesse doit permettre de réduire le temps de trajet des voyageurs, Turin devenant accessible en 1h47 de train contre actuellement 4h30 en voiture.
Les responsables du projet assurent par ailleurs chercher à augmenter le trafic ferroviaire avec un système de circulation à double-sens et par là décourager les habitants à emprunter leur voiture.
La nouvelle ligne "permettra de délester les routes alpines d'un million de poids lourds et de réduire chaque année les émissions de gaz à effet de serre d'environ un million de tonnes d'équivalent CO2", soit "l'équivalent produit par une ville de 300.000 habitants", affirme la société franco-italienne Telt, en charge du tunnel.
"Éventrer les montagnes"
Cet argument écologiste ne fait cependant pas mouche chez les opposants au projet. Les groupes à l’origine du rassemblement de ce samedi estiment en effet que le projet représente en réalité un coût important pour l’environnement.
Cette ligne "va éventrer les montagnes avec 260 km de tunnel, avec l’artificialisation de 1500 hectares de terres agricoles", dénonce notamment la cheffe de file des députés LFI à l’Assemblée nationale Mathilde Panot ce samedi sur TF1, évoquant un "écocide".
Les opposants au projet affirment que le forage des massifs alpins représente une menace du fait du drainage lié à la construction du tunnel, représentant "60-125 millions de m3 d'eau annuellement", ce qui entraîne le risque de tarissement des sources de la région.
S’y ajoute l’inquiétude liée à la production de millions de tonnes de déchets issus des forage des galeries.
Une ligne de train déjà existante
Par ailleurs, les opposants au projet rappellent qu'il existe déjà une ligne ferroviaire reliant les villes de Dijon à Turin en passant notamment par Chambéry. Dans le journal Reporterre, environ 150 élus Verts et Insoumis ont signé en décembre 2022 une tribune préconisant d'accroître l'utilisation de cette ligne déjà en fonctionnement.
"Nous demandons l’arrêt du projet Lyon-Turin qui a pour seule logique de transporter toujours plus de marchandises toujours plus loin et de maintenir ce culte énergivore et destructeur", écrivent-ils à l’époque.
"Tant que le trafic ferroviaire de marchandises entre la France et l’Italie n’aura pas été relancé, pas un arbre ne doit être abattu, pas un mètre carré de terre agricole ne doit être artificialisé et pas un mètre cube d’eau ne doit être drainé", affirment-ils encore.
Améliorer le "fret ferroviaire" en place
"Nous sommes pour le transport ferroviaire", souligne encore le porte-parole de la coordination des opposants au projet Lyon-Turin Daniel Ibanez ce samedi sur BFMTV.
"Utilisons d'abord la ligne existante", appelle-t-il lui aussi, assurant que "ce n'est pas l'infrastructure qui fait que vous avez des marchandises qui circulent, il faut qu'il y ait une service à la hauteur". Il demande notamment qu'un "fret ferroviaire performant" soit mis en place. "Ce sera la démonstration qu'il n'y a plus besoin d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin", estime-t-il.
Les forces de l'ordre attendaient ce samedi jusqu'à 5000 militants en vallée de Maurienne dont quelque "400 éléments radicaux", environ 3000 personnes étaient présentes en fin d'après-midi selon le ministre de l'Intérieur.