Réchauffement de l'Arctique: mauvaise nouvelle planétaire, bonne nouvelle pour Gazprom

Une manifestation organisée par Greenpeace s'est tenue le 27 octobre contre le projet russe de forer en Arctique. - -
Il y a un mois, les scientifiques réunis sous l'égide de l'ONU ont conclu, après des années d'études provenant de dizaines se laboratoires, que le réchauffement climatique était bien réel, et que le gros de la faute revenait à l'homme. Notre gros instrument de réchauffement: les énergies fossiles, c'est-à-dire le pétrole et le charbon. Il faudrait réduire l'usage de ces substances pour avoir l'ombre d'une chance de ralentir le réchauffement.
Mais le réchauffement peut faire des heureux: les compagnies pétrolières, comme Shell, Gazprom, ConocoPhilips et Statoil qui se préparent à forer et pomper le pétrole des mers septentrionales, au large de l'Alaska, de la Sibérie, et dans la mer de Barents (au nord de la Russie d'Europe).
La difficulté de forer en haute mer Arctique les a freiné cependant. Et un accident dans le transport d'une plateforme a grevé les efforts de Shell qui promet de revenir bientôt au large de l'Alaska. Gazprom, avec la plateforme de Prirazlomnaya à 850 km à l'est de Mourmansk, a réussi à installer son puits de forage et se dit prêt à exploiter d'ici un an.
Pomper du brut à ces latitudes: un immense risque environnemental
Un détail semble échapper à ces compagnies pétrolières: l'immense risque environnemental à leur pompage de brut à ces latitudes. Car la plateforme Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique avait explosé, et le pétrole s'était échoué sur les côtes. Or l'écosystème, secoué, a pu en partie absorber la nappe noire. Comme cela se passait au large des États-Unis, en zone pétrolière, certaines réactions d'urgence ont fonctionné tout de suite, et les 600 navires venus éponger étaient là. Et malgré cela, il s'agissait d'une catastrophe.
La mer Arctique est tout autre: la plateforme de Prirazlomnaya est entourée de glaces pendant des mois, imaginons une fuite massive sous la glace: impossible à éponger. Mourmansk est à 850 km, et n'est pas un port de grand trafic et encore moins un centre pétrolier et de raffinage comme peut l'être la Nouvelle-Orléans. Le choc au milieu fragile arctique serait, déclare Greenpeace à BFMTV, autrement plus grave que dans le très tropical Golfe de Mexique.
Gazprom fore à Prirazlomnaya grâce au réchauffement
Et toujours cette immense ironie: le réchauffement climatique est dû au pétrole et au gaz. Or l'exploitation des puits en eau glaciale est devenu possible grâce au recul partiel des glaces, et à l'extension de la saison sans gel. Ainsi, Gazprom fore à Prirazlomnaya grâce au réchauffement que le pétrole extrait va justement accélérer. Pour rappel: la mer qui ne gèle pas absorbe la chaleur du soleil, alors que la glace réfléchit cette chaleur et maintient l'eau plus froide.
Mais ne jetons pas seulement la pierre au gouvernement russe et à Gazprom: les gouvernements des cinq États arctiques – les États-Unis, le Canada, le Danemark (via sa possession semi-autonome, le Groenland), et la Norvège – ne s'empressent pas de condamner ces forages. Aucune loi ne les interdit, aucune instance représentative concernée – ni parlement européen, ni national (parmi les cinq), ni assemblée générale de l'ONU – n'a voté contre. Il n'y a pas de sanctuaire arctique, seulement un sanctuaire contre l'exploitation minière en Antarctique. C'est déjà ça.