Près de 50°C au Canada: comment notre corps se détraque face aux chaleurs extrêmes
Le début d'été 2021 plonge la ville canadienne de Vancouver, en Colombie-Britannique, comme d'ailleurs l'ensemble de côte Pacifique, dans une réalité particulièrement douloureuse. Emprisonnée depuis plusieurs jours dans une étouffante canicule, la région a déjà connu - selon les autorités locales mercredi - 486 morts subites depuis le vendredi précédent. Un pic trois fois supérieur à ce qu'il est constaté en moyenne en cette saison et dont on pense qu'il est grandement lié à la vague de chaleur.
Il faut dire que la "vague" tient plus du marais stagnant. Car le "dôme de chaleur" s'attarde depuis une semaine sur les lieux de son crime. C'est à Lytton, village britanno-colombien de 249 habitants seulement selon un recensement de 2016, que le phénomène frappe le plus durement: dimanche, on y mesurait 46,6°C, lundi, 47,9°C, 49,6°C mardi. Aligné aux côtés de ces jauges démentes, le 39°C donné par Accuweather pour la commune mercredi semble presque raisonnable.
Premières sueurs
Et cette extension dans le temps du "dôme de chaleur" - qui voit les hautes pressions comprimer et maintenir les particules de l'air chaud du Pacifique tropical dans les couches atmosphériques inférieures - est en lui-même un rude coup au métabolisme.
Sur notre plateau ce mercredi soir, Christophe Rapp, infectiologue à l’hôpital américain de Paris et consultant santé de BFMTV, a décrit la vie de l'organisme confronté à de tels températures: "C'est un mécanisme complexe qui dépend 1) de la température, 2) de l'humidité 3) de la durée de l’exposition et 4) de l'état de santé des gens".
"L’homme est un animal homéotherme", a-t-il rappelé. "On régule entre 37 et 37,5°C. Quand il fait chaud, on va perdre de l’eau et du sel. Les mécanismes de régulation peuvent être dépassés et on commence à avoir de la température jusqu’au coup de chaleur et il peut y avoir un décès lié à la chaleur ou parce qu’on a une pathologie sévère."
Au-delà de la régulation normale pour "l'animal homéotherme" dont parle Christophe Rapp, le corps humain dispose bien sûr d'une première réponse qui vise autant à réagir à la chaleur qu'à s'en prémunir: il sue. Or, comme le détaille ici Le Parisien, il va ensuite tenter d'évacuer la chaleur en dilatant les vaisseaux sanguins et en accélérant les battements du cœur. Un réflexe très salutaire... sauf pour les personnes éprouvées au quotidien par une maladie cardiovasculaire, qui forment donc un premier public vulnérable en période de canicule.
Désorientation
Même en l'absence de ces syndromes, il vaut mieux que le corps ne se consacre pas trop longtemps à cette ajustement de la taille des vaisseaux et du rythme cardiaque, sinon des lacunes ne manqueront pas d'apparaître ailleurs, par exemple aux reins ou dans un système digestif alors sous-oxygénés.
Car, désorienté par une chaleur trop élevée et trop tenace, le corps se détraque. Ainsi, si l'on continue à suivre ses mouvements quand ce genre d'épisodes traîne en longueur, l'organisme menace alors de lâcher des endotoxines - des molécules émanant des bactéries et de leur décomposition - dans le sang, celles-ci contribuant encore à faire grimper la température, ajoute Le Parisien. Leur intervention peut s'avérer d'autant plus délétère qu'elle menace d'activer des protéines de coagulation, et donc de constituer des caillots obstruant la circulation du sang.
Cette perspective horribilis peut se prolonger davantage dans le cas d'une rupture des tissus musculaires: ici, cette protéine proche de l'hémoglobine et en principe apte au transport de l'oxygène dans les muscles va intoxiquer le foie et les reins.
L'enjeu de l'humidification
Cette cascade cauchemardesque plane surtout, outre les patients atteints de maladies cardiovasculaires, au-dessus des personnes âgées, ou encore des nourrissons.
Mais avant de parvenir à ces extrémités, il demeure possible de se protéger avec quelques gestes simples, que Christophe Rapp a listés dans nos studios: "Humidifier son logement, avec des packs de glace et un ventilateur par exemple, humidifier son corps avec des linges humides." Le spécialiste a rappelé qu'en de telles circonstances, l'alcool, qui aggrave naturellement la déshydratation, était "à éviter".
En ce qui concerne l'avenir immédiat de la population de la Colombie-Britannique, elle devrait enfin pouvoir retrouver (un peu) ses esprits et respirer. "La côte Pacifique profite de plus de fraîcheur, en tout cas de douceur, et le dôme commence à se déplacer", a noté ce mercredi soir sur BFMTV le météorologue Waldir Da Cruz, présentateur à Radio-Canada.
Mais, par définition, un "dôme de chaleur" qui se déplace, ce n'est jamais qu'un problème - ou en l'occurrence une crise - qui se transporte d'un point A à un point B. Le météorologue a d'ailleurs complété: "Il se dirige vers le centre du Canada, vers l’Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan, avec des températures de 35 à 40°C et une humidité qui pousse au-delà des 40°C en ressenti."
