BFM Business
Transports

Trains de nuit: l'État ouvre les lignes à la concurrence, qui osera se lancer?

Un train de nuit Paris-Nice en gare de Lyon Perrache, le 20 mai 2021

Un train de nuit Paris-Nice en gare de Lyon Perrache, le 20 mai 2021 - Anne-Christine POUJOULAT © 2019 AFP

Le ou les nouveaux opérateurs lanceront leurs services fin 2030. La question est de savoir quelles compagnies, en dehors de SNCF Voyageurs, oseront se lancer sur ces lignes très compliquées à rentabiliser mais qui bénéficieront de rames neuves louées par l'État.

Après les lignes TER et TGV, l'Etat donne le coup d'envoi de l'ouverture à la concurrence des trains de nuit.

"Aujourd'hui (jeudi 20 mars, NDLR) a été mis en ligne l'avis de pré-information concernant le processus de mise en concurrence du lot C des trains d’équilibre du territoire (TET), constitué aujourd’hui par les cinq lignes de nuit TET", indique Pierre-Christophe Soncarrieu, adjoint au responsable de l'autorité organisatrice des trains d'équilibre du territoire au ministère des Transports.

Pour rappel, ces lignes relient Paris à: Aurillac, Briançon, Cerbère, Latour-de-Carol, Nice, Rodez-Albi, Tarbes, et Toulouse.

Le début de la nouvelle exploitation est prévu pour décembre 2030 et pour une durée de huit ans.

Un cadre contraint

Rappelons que pour les lignes à grande vitesse, la concurrence est dite "en open access": un nouvel opérateur fait, en gros, ce qu'il veut à partir du moment où il possède ses certificats de sécurité et de circulation nécessaires, du matériel roulant et des sillons réservés auprès de SNCF Réseau.

Mais pour les Intercités (trains de nuit inclus) et les TER, la mise en concurrence se fait par appels d’offres et par lots, ce qui implique des obligations pour le candidat (dessertes, fréquences, matériel) imposées soit par l'État (pour les Intercités), soit par les régions (pour les TER).

C'est l'État qui gère et finance à 100% ces trains d'équilibre du territoire en tant qu'autorité organisatrice, en les subventionnant, et surtout en épongeant ses déficits chroniques (à la différence des TGV).

La SNCF relance ses trains de nuit - 21/05
La SNCF relance ses trains de nuit - 21/05
3:03

L'approche est donc plus complexe, plus contrainte. La question est donc de savoir quelles compagnies, en dehors de SNCF Voyageurs (qui sera mécaniquement candidat), oseront se lancer sur ces lignes difficiles à exploiter.

Car si le train de nuit a confirmé son succès l'an passé auprès des Français avec près d'un million de voyageurs, contre 700.000 en 2022 (avec plus de lignes néanmoins), ces lignes sont très difficiles à rentabiliser.

Une rentabilité très aléatoire

Ainsi, quand un siège de TGV peut être vendu 4,5 fois par jour, une couchette peut l'être seulement une fois par jour. Conclusion mathématique, un train de nuit est 4,5 fois moins rentable qu'un TGV.

Le train de nuit, ce sont également beaucoup de coûts fixes au niveau du matériel roulant, de la maintenance avec des trains immobilisés le jour, et cela rend donc les lignes déficitaires même si l'Etat continuera à verser une contribution aux nouveaux opérateurs.

Reste que le ou ces nouveaux opérateurs pourront s'appuyer sur un atout stratégique: des trains neufs qui amélioreront considérablement la qualité de service et donc l'attractivité des offres (et se mettre au niveau de nos voisins autrichiens par exemple).

En février, l'État a en effet lancé son appel à candidatures pour la fabrication de 180 voitures couchettes et 27 locomotives qui seront louées, un investissement de plusieurs centaines de millions d'euros, soit une sacrée carotte pour les candidats.

"L’État souhaite que les voitures proposent une gamme élargie de niveaux de confort", annonce Pierre-Christophe Soncarrieu. Ce "nouveau matériel élargira la proposition de confort, avec des espaces lits, une meilleure accessibilité avec notamment des places couchées et assises pour les usagers en fauteuil roulant, de meilleurs services et plus de places pour transporter les vélos".

Les nouveaux entrants bénéficieront de trains neufs (en 2030)

Compte tenu des délais de fabrication de plus en plus longs de la part des industriels, l'État fixe à 2030 la date des premières livraisons, ce qui coïncide avec le début de l'exploitation des nouveaux entrants.

Lors de l'ouverture à la concurrence des lignes Intercités de jour Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon, seuls SNCF Voyageurs, la Renfe et Le Train ont candidaté et c'est l'entité du Groupe SNCF qui a (encore) gagné.

De quoi provoquer des questionnements des opérateurs candidats. Le Train appelle ainsi "l'État à garantir un cadre de mise en concurrence transparent et équitable pour les prochains lots. Il est essentiel d'assurer un accès à des données complètes et robustes, et d’anticiper la structuration des futurs lots avec des conditions d’exploitation acceptables évitant les asymétries entre concurrents".

Faut-il changer les règles du jeu? Le Train prévient: "l’attractivité de ces appels d’offres en dépend". Le nombre de candidats pour ces lignes de nuit permettra donc de se faire une idée.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business