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Doubs

Au procès Péchier, la justice se penche sur deux premiers décès "machiavéliques"

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La cour d'assises du Doubs a commencé à étudier les premiers décès par empoisonnement imputés à l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier ce mardi 23 seprembre. Les faits qui remontent à 2008 sont décrits comme "machiavéliques" par un enquêteur.

"Machiavéliques." C'est le terme employé par un des enquêteurs pour qualifier les deux premiers décès par empoisonnement imputés à l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier survenus en 2008. Parmi les 30 empoisonnements, dont 12 mortels, imputés à l'ex-médecin de 53 ans, la cour avait jusqu'à présent examiné en détail les deux derniers, survenus début 2017, et dont les victimes ont survécu.

Mais ce mardi 23 septembre, c'est à un saut en arrière dans le temps que la cour a invité les jurés, avec l'examen de deux cas fatals survenus fin 2008, bien avant l'ouverture d'une enquête visant Frédéric Péchier.

Un empoisonnement à la lidocaïne

Le premier cas est celui de Damien Lehlen, un homme sportif de 53 ans, venu le 10 octobre 2008 à la clinique Saint-Vincent pour être opéré d'un rein. Frédéric Péchier n'est pas chargé de son anesthésie, mais aux premiers signes d'alerte, il "se précipite" au secours de ce patient, raconte à la cour le directeur d'enquête de la police judiciaire de Besançon, Patrick Le Barre.

Dans la salle d'opération, tous "s'affairent" pour réanimer le quinquagénaire, "mais rien n'y fait, le décès du patient est constaté à 8h15", poursuit le policier. La famille du défunt est déterminée à "comprendre" ce qui s'est passé, mais malgré une autopsie révélant un taux de lidocaïne (un anesthésique local) très élevé ("cinq fois la dose létale"), l'enquête s'enlise.

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Surdoué ou manipulateur? Accusé d'avoir empoisonné 30 patients, Frédéric Péchier clame son innocence
16:17

À ce moment, "je sais qu'il y a un problème, mais je ne sais pas où et je ne sais pas comment", retrace Patrick Le Barre, qui conservera de longues années ce dossier inexpliqué sur son bureau. Et c'est seulement huit ans et demi plus tard, "en 2017, avec les cas de Sandra Simard et Jean-Claude Gandon, (...) que je comprends comment le crime a été commis".

Car l'enquête de police ouverte en 2017 après l'arrêt cardiaque de ces deux derniers patients a révélé qu'un produit avait été injecté dans leurs poches de perfusion afin de les empoisonner. Le policier fait le lien avec le cas de Damien Lehlen. "Un empoisonnement à la lidocaïne, je ne l'avais pas imaginé, c'est purement machiavélique", s'exclame-t-il.

"Personne ne m'a vu faire! Il faut des preuves!"

Devant la cour, l'enquêteur met en cause directement le docteur Péchier, qui était à ce moment-là en partance de la clinique Saint-Vincent pour intégrer la Polyclinique de Franche-Comté - où trois autres cas d'empoisonnements présumés surviendront.

Quatre jours après le décès de Damien Lehlen, le 14 octobre 2008, c'est au tour de Suzanne Ziegler, 74 ans, d'être victime d'un arrêt cardiaque au bloc opératoire. Là encore, Frédéric Péchier aide sa collègue chargée de l'anesthésie à réanimer la septuagénaire. En vain. Elle décède le lendemain. Des traces de lidocaïne seront retrouvées dans une ampoule utilisée pour l'anesthésie.

Pour Patrick Le Barre, le but de l'empoisonneur "était de nuire à la direction de la clinique", dans un contexte de conflit entre la direction et l'équipe des anesthésistes.

Mais "qui a vu Frédéric Péchier avoir un comportement anormal à proximité d'un patient"? interroge l'avocat de la défense, Randall Schwerdorffer, fustigeant une enquête menée exclusivement "à charge", en excluant d'emblée une possible erreur médicale.

"L'arme du crime c'est le médicament, c'est les poches, c'est ce que les soignants utilisent tous les jours", rétorque Patrick Le Barre. "Mais à un moment donné, il faut bien que le médicament arrive dans la poche. Or, on n'a rien vu", lui répond l'avocat.

"Personne ne m'a vu faire! Il faut des preuves!", s'était lui-même exclamé Frédéric Péchier, lundi devant la cour, lors de son interrogatoire consacré aux faits de 2017. Une phrase dans laquelle Stéphane Giuranna, l'un des avocats des nombreuses parties civiles, a vu "un lapsus d'aveu".

Frédéric Péchier, qui a toujours clamé son innocence, comparaît libre, mais encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu le 19 décembre.

Sabrine Mimouni avec AFP