Les frères Fortin racontent leur "Vie sauvage"

Okwari et Shahi Yena Fortin ont vécu onze ans en clandestinité avec leur père. Ils ont raconté leur mode de vie hors norme dans un livre qui a été adapté au cinéma: "Vie sauvage" de Cédric Kahn. Ecole le matin avec leur père et après-midi consacrés à la nature, "ça a vraiment été des années heureuses", raconte Shahi Yena Fortin.

C'est une histoire hors du commun qui est actuellement à l'affiche au cinéma. A l'origine, une séparation banale entre un père et une mère qui avaient opté pour un mode de vie peu banal, proche de la nature, se rapprochant des Amérindiens. Mais lassée de cette marginalité, Catherine Martin veut retrouver une "vie normale" et décide en 1996 d'emmener ses enfants avec elle sur la Côte d'Azur. A partir de là, la vie de la famille Fortin a basculé.

BFMTV a rencontré Okwari et Shahi Yena Fortin à l'occasion de la sortie du film Vie sauvage de Cédric Kahn avec Mathieu Kassovitz, dans le rôle de Xavier Fortin. Ils racontent leur histoire.

"L'enfer" de la vie normale

Après la séparation des parents en 1996, leur désaccord conduit dans un premier temps la mère à garder ses enfants auprès d'elle, dans l'illégalité. Après 17 mois de procédures qui n'aboutissent pas, Xavier Fortin vient voir ses enfants pour les vacances de Noël en 1997. Il racontait à BFMTV les avoir trouvés dans un "état lamentable".

Les deux garçons qui avaient été élevés dans la nature se retrouvent à vivre dans un appartement, à aller à l'école, avoir une nounou mais pas d'animaux. "Pour nous c'était l'opposé et un enfer à côté de la belle vie qu'on avait eue", raconte Shahi Yena Fortin.

L'un des deux garçons ne mangeait plus et l'autre dormait mal, Xavier Fortin décide alors en accord avec ses deux fils 6 et 7 ans de les emmener avec lui.

Onze ans de cavale

Cette fuite qu'ils imaginaient durer quelques semaines se prolongera finalement onze ans. Onze années pendant lesquelles, ils doivent déménager régulièrement et changer d'identité pour échapper aux autorités et garder leur liberté.

Ils se déplacent dans le Gers, en Ardèche, en Haute-Garonne, le Vaucluse et les Cévennes. "On est parti en clandestinité, contraints pas la justice", raconte Okwari Fortin.

"Des années heureuses"

Le matin, Xavier Fortin faisait l'école à ses enfants en suivant le programme de l'Education nationale. Les après-midi étant consacrés à la nature, à l'élevage. Une "éducation complémentaire" pour les deux garçons. "Globalement, ça a vraiment été des années heureuses", selon Okwari.

Cette "désobéissance civile" aura duré onze ans, jusqu'à l'arrestation de Xavier Fortin en 2009. Les deux frères avaient alors commencé à voler de leurs propres ailes et ne vivaient plus avec leur père. Okwari et Shahi Yena se battent alors pour qu'il ne fasse pas de prison. Ils retrouvent aussi leur mère avec laquelle il est alors difficile de renouer.

En 2010, Okwari et Shahi Yena et Xavier Fortin avaient raconté leur histoire dans le livre Hors système, onze ans sous l'étoile de la liberté. Catherine Martin avait également raconté sa version des faits dans Au nom de mes fils. Le réalisateur Cédric Kahn a essayé d'équilibrer les différents vécus dans son film qui a eu l'approbation de toute la famille. "C'est une réussite pour tout le monde, une belle synthèse de notre vie globalement et qui n'incrimine personne", estime Shahi Yena Fortin.

Que sont-ils devenus?

Okwari, 24 ans, est cocher. Après avoir longtemps baroudé, il a maintenant le projet d'une ferme pédagogique itinérante.

Xavier Fortin, lui, a créé sa ferme pédagogique il y a trois dans dans les Cévennes, sur le terrain où la famille avait eu la belle vie avant la séparation des parents.

Shahi Yena, 22 ans, vend des animaux d'ornement à des particuliers et des objets d'antiquité. Il partage sa vie entre un petit appartement dans un village des Cévennes et une "yourte solaire" construite sur le terrain de son père.

Karine Lambin avec Jean-Marie Marchaut