Disparition d'Émile: récit de deux mois de recherches et d'enquête

Son visage est désormais connu de tous les Français. Le 8 juillet dernier, le petit Émile, deux ans et demi, disparaissait dans le hameau du Haut-Vernet (Alpes-de-Haute-Provence). Malgré d'intenses fouilles, le petit garçon semble s'être volatilisé sans laisser de traces.
Deux mois jour pour jour après sa disparition, l'enquête est désormais élargie à des motifs criminels. Retour sur ces longues semaines de recherches.
Le petit garçon s'est volatilisé
Il est 17h15, ce 8 juillet 2023, quand le petit Émile, en vacances dans la résidence secondaire de ses grands-parents maternels, est aperçu pour la dernière fois par deux voisins dans une ruelle du Haut-Vernet. C'est un hameau de 25 habitants, perché à 1200 mètres d'altitude, sur les flancs du massif des Trois Évêchés (Alpes-de-Haute-Provence).
Mais déjà, les versions se contredisent. L'un des voisins affirme l'avoir vu se diriger vers le haut du hameau, tandis que l'autre affirme qu'il descendait. C'est vers 18 heures que l'alerte est donnée. Ses parents, originaires de La Bouilladisse (Bouches-du-Rhône), l'ont déposé pour les vacances d'été et ne sont pas présents.
Les gendarmes sont prévenus, ils interrogent les premiers témoins et débutent les recherches. Dès le lendemain, une enquête en flagrance pour "recherche des causes de disparition inquiétante" est ouverte. Parallèlement, un appel à témoin est lancé: le petit garçon est blond, ses yeux sont marron, il porte un haut jaune, un short blanc, des chaussures de randonnée et mesure près d'un mètre.
Des moyens colossaux
Dès le lendemain de la disparition de l'enfant, des centaines de personnes - habitants de la région, proches de la famille et anonymes - viennent d'eux-mêmes prêter main-forte aux forces de l'ordre. Des battues sont organisées pendant plusieurs jours. Champs, bois, terrains escarpés... une centaine d'hectares est passé au peigne fin. La voix de la mère d'Emile est diffusée sur des hauts-parleurs, en vain.
La trentaine de maisons du hameau rattaché à la commune du Vernet sont aussi fouillées, tous les habitants interrogés et leurs véhicules visités. Le lundi 10 juillet, le périmètre des recherches est étendu. La gendarmerie déploie les grands moyens: une soixantaine de militaires, un hélicoptère et un chien Saint-Hubert, à l'odorat très développé. Plus d'une vingtaine de gendarmes épluchent les centaines d'appels reçus dans le cadre de l'appel à témoins.
Malgré ces recherches, "l'une des plus importantes opérations de ratissage judiciaire jamais conduite", selon le procureur de la République de Digne-les-Bains, Rémy Avon, l'enfant reste introuvable.
Une information judiciaire ouverte
Le 18 juillet, en raison de "la complexité de l'affaire", le procureur de Digne-les-Bains ouvre une information judiciaire, toujours pour "recherche des causes de disparition inquiétante", auprès du pôle de l'instruction d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Deux juges d'instruction sont saisis du dossier.
La tâche est ardue, notamment en raison de "la masse considérable d'éléments collectés". Il faut vérifier les 1400 signalements téléphoniques reçus à la suite de l'appel à témoins et les 1600 lignes téléphoniques ayant borné dans le secteur au moment de la disparition d'Émile. À ce stade, le procureur considère toujours que "toutes les pistes restent envisagées, aucune n'étant ni exclue, ni privilégiée".
Les jours suivants, des habitants sont de nouveau entendus et certains véhicules sont fouillés pour la seconde fois. Le 25 juillet, des équipes cynophiles spécialisées dans la détection de restes humains, appuyées par des drones, sont déployées au Vernet.
Le 7 août, par la voix de son avocat, la famille d'Émile annonce qu'elle se constitue partie civile, une démarche rendue possible avec l'ouverture de l'information judiciaire. Désormais, elle peut connaître l'avancée de la procédure et accéder au dossier.
L'enquête élargie à des motifs criminels
Le 22 août, Jean-Luc Blachon, le procureur de la République d’Aix-en-Provence, annonce que l'enquête judiciaire a été élargie depuis le 28 juillet aux chefs d'"enlèvement, arrestation, détention et séquestration de mineur".
Cette décision "n'est pas liée à une évolution dans l'enquête" sur la disparition toujours inexpliquée du garçonnet, mais "ce cadre procédural offre plus de souplesse" aux enquêteurs, souligne le procureur-adjoint. Elle permet notamment de procéder à des mesures de garde à vue et d'éventuels déferrements, ce qui n'était pas possible dans le cadre initial.
Les parents sortent du silence
Depuis le début, ils sont restés silencieux. Le 29 août, pour la première depuis la disparition de leur petit garçon, les parents d'Émile prennent la parole dans un entretien accordé au magazine Famille Chrétienne. "On imagine forcément le pire, mais on ne peut s’empêcher d’espérer", déclare Colomban, le père de l'enfant. "Parfois, nous sommes submergés par le chagrin et l’angoisse. On désespère un moment, et ensuite on est comme soulevés par l’espérance", complète Marie, la maman du petit garçon.
Les parents du petit Émile indiquent également "demander à Dieu un miracle", tout en continuant "à faire confiance au travail des gendarmes chargés de l’enquête. Depuis le début, ils ont fait preuve d’un grand professionnalisme et de beaucoup d’empathie." Tous deux ne peuvent "s’empêcher d’espérer" de retrouver Émile vivant, dont la trace s'est perdu le 8 juillet 2023.