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Besançon

"On s'est heurté au secret médical": la "difficile" enquête au cœur des auditions lors du deuxième jour du procès Péchier

Croquis d'audience montrant l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier à son procès à la cour d'assises de Besançon, le 8 septembre 2025

Croquis d'audience montrant l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier à son procès à la cour d'assises de Besançon, le 8 septembre 2025 - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

Alors que les audiences se poursuivent au procès de Frédéric Péchier, la question du secret médical a été évoqué par l'un des enquêteurs.

Au deuxième jour du procès de Frédéric Péchier, l'ex-anesthésiste de Besançon soupçonné de 30 empoisonnements dont 12 mortels, la cour d'assises du Doubs entend depuis ce mardi 9 septembre matin l'ancien directeur d'enquête, Olivier Verguet.

À la barre, il évoque une enquête "particulièrement difficile" car "on touche à la matière médicale, ce qui n'est pas facile à appréhender au premier abord". En janvier 2017, l’Agence régionale de la santé (ARS) et la direction de la clinique Saint Vincent signalent au parquet de Besançon l'existence de deux événements indésirables graves (EIG) suspects. Ils sont survenus le même mois, sur deux patients, Sandra Simard et Jean-Claude Gandon. Une enquête préliminaire est alors ouverte.

Un contexte difficile

"Il s'agit d'une scène de crime particulière. Nous n'avons pas l'habitude d'intervenir en milieu médical. Les armes utilisées sont différentes: ce ne sont pas des armes létales ou de guerre. Là, les armes, ce sont des médicaments", indique Olivier Verguet devant la cour d'assises du Doubs.

"La scène de crime est également terminée lorsqu'on intervient, les victimes sont parties depuis bien longtemps. C'est aussi un milieu aseptisé, avec une hygiène maximum, des gens qui utilisent des gants donc pas de traces d'ADN", regrette-t-il dans sa présentation des investigations.

L'omerta de certains soignants?

Au début des investigations, les enquêteurs n'ont pas accès aux dossiers médicaux des victimes. Les premières auditions du personnel médical s'avèrent aussi complexes. "Nous avons été confrontés au devoir de confraternité. Au départ, les médecins nous disaient: 'non, tout va bien'", expose l'ancien directeur d'enquête.

"Il fallait aussi s'adapter au rythme des médecins, toujours appelés aux blocs opératoires. On a entendu les médecins à de nombreuses reprises, parfois 10 à 12 fois. Nous avons multiplié les auditions pour comprendre ce qui se passait dans les blocs opératoires".

Le secret médical

"On s'est heurté au secret médical, qui nous prive de nombreuses informations. Ce secret médical, on l'a subi, avec des médecins auditionnés qui pouvaient se cacher derrière cela. On sentait au départ une réserve des professionnels qui s'est petit à petit déliée", dénonce-t-il à la barre.

"Dans une affaire criminelle, le secret médical, c'est très difficile à gérer! Cela empêche d'obtenir des informations qui pourraient être pertinentes dans le cadre de nos recherches."

Le déni du personnel médical

"Il a fallu aussi affronter le déni du personnel médical, qui voyait notre venue d'un mauvais œil, qui ne pouvait pas imaginer qu'un criminel soit parmi eux", poursuit Olivier Verguet.

"Par la suite, quand il voyait que les cas suspects cessaient depuis nos premières investigations, les langues se sont déliées. Il y a eu aussi un phénomène de sidération chez les médecins. Avant une prise de conscience, qui a permis de faire avancer progressivement l'enquête."

Le 7 février 2017, le parquet de Besançon ouvre une information judiciaire des chefs d'empoisonnements. Huit ans plus tard, le procès de Frédéric Péchier s'est ouvert ce lundi 8 septembre devant la cour d'assises du Doubs. Au premier jour, l'ancien anesthésiste-réanimateur a "réfuté tous les faits" qui lui "sont reprochés". "Je n'ai jamais empoisonné quelqu'un, je n'ai jamais empoisonné de poche, je suis innocent!", a-t-il dit déclaré.

Boris Kharlamoff