À Toulouse, des panneaux publicitaires antivaccins fleurissent et suscitent l'ire des médecins

Un panneau antivaccins à Toulouse - Capture d'écran Twitter
Dans le quartier des Trois Cocus à Toulouse, un panneau publicitaire dénonçant de supposés dangers de la vaccination contre le Covid-19 est visible depuis quelques jours.
"Vaccins anti-Covid. 1 accident cardiovasculaire pour 100 injections. La santé de nos enfants vaut plus que des vaccins expérimentaux", est-il proclamé à la vue de tous.
Depuis le début de l'été, la ville rose fait l'objet d'une intense campagne de publicité antivaccin, au nez et à la barbe des pouvoirs publics. La mairie, dirigée par Jean-Luc Moudenc, a indiqué à nos confrères de France Bleu en avoir recensé au moins neuf.
La mairie dans l'incapacité d'agir
Le premier panneau est apparu en juillet, le long du très fréquenté boulevard de l'Embouchure, dans le quartier des Minimes. En bas de l'affiche blanche et bleu clair, on repère la trace de deux organisations, l'autoproclamé "Conseil scientifique indépendant" ainsi que "Réinfo Covid".
Comme l'explique Marianne, derrière ces deux groupuscules se cachent des personnalités controversées comme Louis Fouché, un médecin anesthésiste devenu farouche opposant à la vaccination contre le Covid-19, ou le sociologue Laurent Mucchielli, qui avait été rappelé à l'ordre par le CNRS. L'organisme de recherche avait fustigé "les prises de position publiques de certains scientifiques, souvent plus soucieux d’une éphémère gloire médiatique que de vérité scientifique, sur des sujets éloignés de leurs champs de compétences professionnelles".
Contacté par La Dépêche du Midi, la mairie de Toulouse assure s'être penchée sur le sujet, et ne cache pas sa volonté de vouloir faire retirer ces affiches. Mais un problème majeur se dresse. Les panneaux publicitaires sur lesquels elles sont collées appartiennent à une société privée basée en Meurthe-et-Moselle.
Seule la constatation d'un trouble à l'ordre public pourrait servir de justification pour les faire retirer, ce qui n'est actuellement pas le cas, toujours selon la mairie.
"Ce n’est pas parce que ça ne nous plaît pas que l’on peut l’enlever", explique la municipalité, qui reconnaît que "ça pose problème au niveau du contenu".
Des arguments mensongers
Dans la communauté médicale locale, ces panneaux irritent. D'abord, car ils sont factuellement faux. Ils évoquent un effet secondaire grave pour 100 injections d'un vaccin contre le Covid-19. Or, selon les chiffres de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), 147.960.500 injections de vaccins anti-Covid avaient été réalisées au 21 juillet 2022 en France. Sur toutes ces injections, 175.474 cas déclarés d'effets indésirables ont été observés, dont 76% étaient non graves, 24% graves. Des données bien inférieures aux chiffres avancés par la campagne toulousaine, d'autant que "cas déclaré ne signifie pas que l'effet est imputable au vaccin".
De même, la source citée par la campagne publicitaire ne corrobore pas ce qu'elle tente de prouver. "Les informations publiées sur le présent site internet concernent des effets indésirables suspectés, par exemple des événements médicaux ayant été observés après l'utilisation d'un médicament, mais qui ne sont pas obligatoirement liés ou dus au médicament", peut-on lire si on suit l'URL présente sur les panneaux.
La préfecture saisie
"C'est une réinterprétation des choses qui est fausse. C'est du racolage facile, rapide et il n'y a aucune source scientifique derrière. C'est grave. Ils auto-valident leurs propos", a fustigé le docteur Jean-Michel Mansuy, praticien hospitalier au laboratoire de virologie au CHU de Toulouse, interrogé par Franceinfo.
Le médecin généraliste Jérôme Marty, installé au nord de la ville rose et président de l'Union française pour une médecine libre, a interpellé l'édile de la ville sur Twitter: "Monsieur le maire Jean-Luc Moudenc, vous ne pouvez laisser impunie cette communication mensongère et manipulatoire par un organisme complotiste aux dérives sectaires".
En réponse à l'interpellation de Jérôme Marty, le médecin Stéphane Oustric, conseiller de l'Ordre des médecins basé à Toulouse, a déclaré avoir saisi le préfet. Mais aucune suite n'a pour l'instant été donnée à la démarche.