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Société

Un agriculteur normand contre EDF

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En Normandie, un agriculteur lutte contre une ligne à très haute tension qui doit traverser ses champs, et le tribunal doit étudier sa plainte ce jeudi. « On ne veut pas servir de cobaye », explique une riveraine.

C’est David contre Goliath, le pot de terre contre le pot de fer. Dans la Manche, Yves Larsonneur, un petit agriculteur normand, a porté plainte contre RTE (Réseau de transport d'électricité), une filiale d'EDF. Le tribunal de Coutance doit étudier sa plainte ce jeudi. Yves est en fait le symbole de la lutte contre une ligne à très haute tension (THT) qui va du Cotentin au Maine et doit acheminer l’électricité produite par le réacteur nucléaire de Flamenville, à partir de 2016.

« Je ne suis plus chez moi »

Au total, ce sont 800 000 volts qui passeront au-dessus de la tête des agriculteurs et des riverains, avec toutes les conséquences que cela peut avoir : plusieurs études font peser des soupçons de leucémie infantile. Premier agriculteur à porter plainte contre RTE, Yves Larsonneur s’est battu dès le début : « J’étais dans mon tracteur, les machines pour installer les pylônes étaient à 50 mètres, il y avait 70 gendarmes. J’ai été mis en garde à vue, quand je suis revenu, les poteaux étaient faits. Je ne suis plus chez moi ».
Aujourd’hui, il touche environ 4 000 euros d’indemnités par an, loin d’être suffisants face aux dégâts que la ligne pourrait causer sur ses animaux : « Ce sont des vaches qui n’arrivent plus à se tenir dans le bâtiment, qui ne s’abreuvent plus assez parce qu’elles sentent du courant. La production laitière est en chute libre. Une vache qui ne boit pas et qui ne se nourrit pas, ça meurt ». Dépité, Yves a donc mis son exploitation en vente. Sans ligne à haute tension, elle valait un million d'euros, moitié moins aujourd’hui.

« Une ferme qui va mourir »

Aussi agricultrice, Martine Leroy a plus d’un kilomètre de ligne qui traverse ses champs. « Travailler en permanence sous la ligne, ce ne sera pas très agréable. Je crains que ça n’aille pas bien pour mes animaux. Les vaches sont très sensibles à l’électricité, s’il y a de l’électricité dans l’eau, elles ne vont pas boire. Je crains qu’il y ait moins de lait ». Et ses 4 600 euros d’indemnité par an ne compenseront pas tout, explique-t-elle : « Ce n’est rien. C’est une ferme qui est très rentable pour le moment, mais invendable, donc elle va mourir ».

« On achète les gens »

Maire de la commune du Chefresne, Jean-Claude Bossard lutte à sa façon. Aussi propriétaire d’un bois qui se trouve sur le chemin de la ligne, il occupe les lieux. « Pour passer les câbles, il faut couper les arbres. On m’a proposé 700 euros, on achète les gens. Mais que ce soit la charte de l’environnement ou le droit de propriété, aucune loi n’est respectée ». Dans son bois, il affirme tenir une position non-violente : « Quand les gardes mobiles entourent le bois pour nous déloger, les jeunes se mettent en haut des arbres ». Mais tous ne réagissent pas comme lui : « Il y a des riverains à qui on vole littéralement la propriété. Alors certains déboulonnent les pylônes, bloquent les camions ».

« On ne veut pas mourir à petit feu »

Quant aux conséquences sérieuses que peuvent avoir ces lignes, les études se contredisent. Pas de quoi rassurer Géraldine Tallec, une enseignante qui habite à quelques centaines de mètres du trajet de la ligne. « Les enquêtes parlent de mal-être, troubles du sommeil, et malheureusement pour certains, des cancers rares ». La décision est prise, Géraldine veut donc partir. « On a trois enfants, on ne va pas les mettre en danger, mourir à petit feu. Un cancer, ça met 10 ans, 20 ans [à se déclarer], et on n’a pas envie de servir de cobaye ». Problème, pour partir, il faut vendre la maison : « Pendant 15 ans, on n’a pas pris de vacances pour retaper une maison, et maintenant qu’on a fini de payer, on est obligés de partir en laissant tout. Mais encore, il faut la vendre ! Les gens voient le pylône, ils repartent. Certains essayent de vendre depuis trois ou quatre ans ».

La rédaction, avec Thomas Chupin