Repetto, succès français sur la pointe des pieds

Née en 1947, la ballerine Repetto, produit 100% français qui a failli disparaître, est de nouveau en vogue dans le monde entier. A l'heure des délocalisations et de la crise du secteur de la chaussure, le magasin historique de la marque situé à deux pas d - -
par Claude Canellas et Elizabeth Pineau
SAINT-MEDARD-D'EXCIDEUIL, Dordogne (Reuters) - C'est l'histoire d'un chausson de danse qui a réussi : née en 1947, la ballerine Repetto, produit 100% français qui a failli disparaître, est de nouveau en vogue dans le monde entier.
A l'heure des délocalisations et de la crise du secteur de la chaussure, l'usine Repetto de Dordogne, qui emploie 130 salariés, s'apprête à s'agrandir. Situé à deux pas de l'Opéra, le magasin historique de la marque ne désemplit pas, au point d'avoir des files d'attentes à l'extérieur tous les samedis.
Vendus entre 145 et 185 euros, les souliers ont des noms évocateurs : la ballerine "Cendrillon" côtoie la "Liza" et la "BB". Pour les danseurs de salon, la "Baya" et la "Gitane" s'imposent.
La "Zizi", chaussure souple à lacets popularisée dans sa version blanche par le chanteur Serge Gainsbourg dans les années 1970, est aussi très prisée. Le "virage mode" pris ces dernières années s'est traduit par des collaborations avec les marques japonaises Issey Miyake et Comme des garçons.
Créée en 1947 par Rose Repetto, mère du danseur Roland Petit et belle-mère de Zizi Jeanmaire, la ballerine à la souplesse légendaire était au départ réservée aux danseurs. Rudolf Noureev, Mikhail Baryshnikov les ont chaussées.
Après l'incendie de l'atelier de Paris, la fabrication des chaussons et ballerines s'est exilée en 1967 dans un village de Dordogne, Saint-Médard-d'Excideuil, au coeur du Périgord noir.
UNIVERS DU LUXE
"Rose Repetto avait un ami qui fabriquait des pantoufles dans ce village, d'où cette implantation", a raconté à Reuters l'actuel directeur de l'unité, Paul Gilles.
Arrivé en 2003, peu après le redémarrage de l'entreprise après une rude période de redressement judiciaire, il a vu le groupe redécoller selon les plans de vol de Jean-Marc Gaucher, qui a pris les commandes de la maison en 1999.
"La mission était : 'nous serons une marque mondiale, qui développe des produits exclusifs, une marque de l'univers du luxe", a-t-il dit à Reuters. "Nous sommes restés fidèles à ce cap depuis 10 ans".
Repetto ne communique pas son chiffre d'affaires mais dit être en passe de réaliser plus de 50% de ses ventes à l'export.
"Nous avons 10 boutiques et 22 'shop in shop' en France. Nous ouvrons ce printemps entre 25 et 30 boutiques en Asie", dit Jean-Marc Gaucher.
Succès aidant, Repetto s'apprête à pousser les murs de son usine qui va passer de 4.500m2 à 7.500m2. La production annuelle devrait va passer de près de 500.000 unités à 1,2 million dans cinq ans.
Les produits textiles et les chaussures à talon rigide de Repetto sont fabriqués à l'étranger, les ballerines et les pointes en Dordogne.
Dans l'usine de Saint-Médard-d'Excideuil, tout repose sur la technique du "cousu-retourné" qui assure une tenue unique à la ballerine Repetto, taillée dans des cuirs fins de chèvre ou d'agneau venus d'Italie.
"Pour atteindre la qualité que nous souhaitons, il faut une très grande souplesse, un tannage très gras", dit Paul Gilles.
"COUSU-RETOURNÉ"
Le dessus de la ballerine est coupé et piqué sur la semelle avec précision, les surplus ôtés à la lame fine. Puis le "retourné" s'opère, comme avec une chaussette remise à l'endroit, d'un geste précis et délicat.
"Le pied gauche devient le pied droit et inversement", explique Paul Gilles. La pose du talon, les finitions et le contrôle bouclent un processus bien rôdé.
Pour les pointes, le dessus en satin est cousu après avoir accompli à la main 18 à 22 plis - selon la pointure - pour former le bout, renforcé d'une toile de lin travaillée avec une pâte maison.
Il faudra encore placer le 'cambrion', petite lame située au niveau de la cambrure pour éviter l'affaissement du chausson.
Pour les danseuses de l'Opéra de Paris, du Royal Ballet de Londres ou du Bolchoï de Moscou, Repetto fait du sur-mesure.
"On fournit une paire de pointes à la danseuse, qui va nous la retourner accompagnée d'une fiche avec toutes les caractéristiques qu'elle souhaite", dit Paul Gilles.
Pour Jean-Marc Gaucher, fabriquer les chaussures en France permet "la réactivité et donne la possibilité de faire ce qu'aucun sous-traitant ne pourrait nous fournir".
Si le label "made in France" est bon pour l'image, "il n'y a pas de poudre de perlimpinpin", ajoute-t-il.
"C'est le travail de nos équipes qui fait que Repetto est aujourd'hui dans cette position, à ce titre comment pourrais-je ne pas jouer le jeu en continuant d'embaucher en France", dit-il. "Et à titre plus personnel, de citoyen, comment pourrais-je accepter de voir un quart des jeunes au chômage, et moi délocaliser ma production, supprimer un peu plus d'emploi, juste pour satisfaire l'actionnaire ?"
Edité par Yves Clarisse