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Une pièce de théâtre censurée par la préfecture du Mans

La pièce Sur le concept du visage du fils de Dieu censurée au Mans

La pièce Sur le concept du visage du fils de Dieu censurée au Mans - Youtube

Le spectacle Sur le concept du visage du fils de Dieu a été amputé de sa scène finale lors de représentations au Mans sur ordre de la préfecture. En 2011 lors du Festival d'Avignon, des intégristes catholiques avaient dénoncé une pièce "blasphématoire".

La préfecture de la Sarthe aurait-elle cédé aux injonctions de catholiques intégristes? Le spectacle Sur le concept du visage du fils de Dieu de Romeo Castellucci, qui a été présenté la semaine dernière au Mans, a été amputé d'une de ses scènes après des protestations de chrétiens fondamentalistes.

"Préserver les mineurs qui auraient dû y participer"

Dans le viseur des intégristes: la scène finale de la pièce d'une durée de douze minutes durant laquelle neuf enfants, âgé de 9 ans pour le plus jeune, devaient lancer des grenades factices sur une représentation géante d'un portrait du Christ du peintre italien Antonello de Messine.

Dans un communiqué cité par Libération, la préfecture a assuré que "considérant l'âge des enfants retenus pour la prestation et les caractéristiques de la scène à laquelle les mineurs devaient participer, le préfet de la Sarthe a refusé cette autorisation d'emploi par un arrêté préfectoral. Cet arrêté n'a pas vocation à interdire cette scène durant le spectacle, il vise uniquement à préserver les mineurs qui auraient dû y participer."

"Défendre les valeurs de citoyenneté et d'ouverture"

Le directeur de la Scène nationale du Mans s'est dit "très surpris" par cette décision. Il a expliqué que les membres de la compagnie avaient dans un premier temps hésité à jouer le spectacle. Mais qu'ils avaient finalement respecté la décision des autorités.

"La mission et le sens d'un théâtre est de créer 'un espace et un temps' pour que les œuvres et les artistes puissent rencontrer les publics de tous horizons. Nous regrettons vivement que, dans ce cas précis, nous n'ayons pu pleinement remplir notre mission et défendre les valeurs d'engagement, de citoyenneté et d'ouverture qui sont les nôtres."

"L'innocence de l'enfance symbolise l'humanité entière"

Lors de la représentation, une lettre a cependant été adressée aux spectateurs afin d'exprimer la "consternation" de l'équipe. Dans ce courrier, rapporté par Mediapart, l'auteur et metteur en scène Romeo Castellucci précise que cette séquence est "une forme de prière, un geste porté par l'innocence de l'enfance qui symbolise ici l'humanité entière, un geste qui fait référence à la passion du Christ". Il indique également qu'avant de monter cette scène, "dans chaque ville nous organisons régulièrement des rencontres préparatoires avec les enfants, afin de leur faire comprendre 'l'homéopathie' de ce geste violent qui appelle des sentiments inverses". 

Le directeur littéraire de la maison d'édition Solitaires intempestifs qui édite Romeo Castellucci a interpellé la ministre de la Culture. "Est-ce une nouvelle forme de censure républicaine? Ce préfet a-t-il appliqué des consignes de la présidence? Peut-être souhaitez-vous aussi relire les écrits de Romeo Castellucci pour vérifier s'ils ne menacent pas notre jeunesse?"

"Le blasphème n'existe pas"

Françoise Nyssen a apporté samedi sur Twitter son soutien à l'auteur, au théâtre et à l'équipe. La ministre de la Culture a rappelé son "attachement profond à la liberté de création" et a salué "le travail de l'artiste ainsi que les programmateurs qui ont permis la diffusion de son œuvre".

Marlène Schiappa a elle aussi apporté son "plein soutien" au théâtre. La secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes a assuré sur le même réseau social que cette équipe menait "un travail formidable depuis des années" et a rappelé que le blasphème n'existait pas en République française.

En 2011 déjà, lors de la création de la pièce au Festival d'Avignon, des intégristes catholiques avaient dénoncé une pièce "blasphématoire" et "christianophobe". Les représentations au Théâtre de la ville à Paris à l'automne suivant avaient également été perturbées: les manifestants avaient interrompu le spectacle, s'en étaient pris aux spectateurs, leur avaient jeté de l'huile de vidange ou des œufs, et les avaient insultés. Mais la pièce n'avait jusqu'à présent jamais été censurée.

Céline Hussonnois-Alaya