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"Protégez les Français!": des médecins envoient une lettre à Buzyn sur le danger de l'alcool

Un rayon de spiritueux - Image d'ilustration

Un rayon de spiritueux - Image d'ilustration - John Sommers II / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Pour les cosignataires de cette lettre ouverte à la ministre de la Santé, la lutte contre l'alcool est la "grande absente" du Fonds de lutte contre les addictions aux substances psychoactives.

Dans le communiqué "Madame la Ministre, protégez les Français des dangers de l’alcool!", publié ce jeudi par l’ANPAA (Association de prévention en alcoologie et addictologie), une dizaine de professionnels de la santé réclament une taxation plus importante de l’alcool.

A travers cette lettre ouverte, directement adressée à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, ces derniers déplorent que les boissons alcoolisées soient les "grandes absentes du financement" du Fonds de lutte contre les addictions aux substances psychoactives, un fonds de prévention créé dans le cadre du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2019 (PLFSS 2019).

Pour l'année à venir, ce projet prévoit que le champ d'intervention de ce fonds, constitué de 100 millions d'euros provenant des taxes du tabac, soit élargi aux addictions liées aux substances psychoactives (alcool, cannabis). Pour 2019, une augmentation de seulement 10 millions d'euros a été annoncée, un montant bien insuffisant pour Nicolas Simon, professeur de médecine à Marseille, président de l’ANPAA, contacté par BFMTV.

L'alcool première cause de mortalité chez les 15-30 ans

"Ce chiffre n’est pas à la hauteur de l’enjeu de santé publique que l’alcoolisme représente. L’alcoolisme a un coût social, chaque année, il représente 120 milliards dépensés par la Sécurité Sociale, on est très très loin de ce chiffre, le coût réel de l’alcoolisme est bien plus élevé."

Comme il est également rappelé dans ce courrier, la consommation d’alcool est directement responsable de 49.000 morts chaque année. Elle est également la deuxième cause de cancers, la première cause de mortalité chez les 15-30 ans, et la première cause de démence précoce. "Aujourd’hui, 60% des addictions sont liées à l’alcool. Pourquoi est-ce oublié? Il faut qu’on nous explique" abonde de nouveau Nicolas Simon.

Pour une taxe plus forte sur le vin

Pour financer la prévention et les soins liés à l’alcoolisme, les signataires de la lettre ouverte proposent une plus forte taxation de l’alcool, et en particulier du vin.

"A l’heure actuelle, pour une bouteille de vin à trois euros, la taxe n’est que de trois centimes, c’est-à-dire 16 fois moins que la bière et 60 fois moins que les spiritueux. Nous souhaitons une taxe en fonction de la quantité d’éthanol présente dans la boisson", poursuit le président de l’ANPAA.

Quant à savoir si cette mesure favoriserait les boissons importées, ce dernier balaie cette affirmation d’un revers de la main: "Cela concernerait toutes les boissons alcoolisées, d’origine française et étrangère."

Dans son argumentaire, Nicolas Simon en profite également pour enterrer la croyance selon laquelle le vin serait bon, dans une certaine mesure, pour la santé. "L’alcool ingéré reste le même. Il existe bien des molécules intéressantes dans le vin, mais pour qu’elles aient un effet, il faudrait consommer plusieurs litres de vin, il n’y a donc aucun bénéfice."

Le pouvoir des lobbies?

Les cosignataires de ce courrier pointent encore les lobbies et leur puissance. "Le grand plan de prévention de l’alcoolisme du gouvernement se résume aujourd’hui à une discussion picrocholine sur la taille en millimètres du pictogramme pour les femmes enceintes! Cette négociation dérisoire avec les lobbies alcooliers n’est pas à la hauteur."

A l'inverse du tabac, dont l’augmentation a permis l’arrêt de la cigarette pour un million de fumeurs en moins d’un an, la discussion autour de l’alcool et du vin semble bien plus épineuse.

"Dès que l’on parle de l’alcool, on se fait insulter, lorsque l’on parle du danger chez les femmes enceintes par exemple, on se fait tomber dessus", assure encore Nicolas Simon.

Pour lui, il faut que la communication soit honnête autour de l’alcool. "Il faut que les consommateurs puissent faire leur choix en connaissance de cause. Il y a un côté plaisir bien sûr, mais il faut que les gens soient conscients du prix à payer, il faut une communication qui souligne ces deux facettes."

Hugo Septier