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Les naissances de jumeaux ont explosé ces 30 dernières années, notamment en Europe

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Une étude publiée ce vendredi démontre la forte augmentation des naissances de jumeaux dans le monde depuis 30 ans, particulièrement dans les pays occidentaux. La France est également concernée par cette tendance.

Un bébé sur 42 dans le monde est un jumeau, selon un article publié ce vendredi dans la revue Human Reproduction. Le taux de gémélité a explosé ces 30 dernières années, au point que l'un des auteurs de l'étude, Gilles Pison, parle de "jumeau-boom":

"La fréquence des naissances de jumeaux n'a jamais été aussi élevée dans le monde. Entre 1985 et 2015, le taux de gémellité a augmenté d'un tiers", explique-t-il à BFMTV.

Si le constat vaut pour toute la planète, on note tout de même de fortes disparités d'un continent à l'autre, comme le montre l'infographie ci-dessous.

C'est en Europe et en Amérique du Nord que le taux a le plus augmenté, doublant voire triplant dans certains pays. Comment explique-t-on ces disparités? Selon le démographe Gilles Pison, deux facteurs propres à ces continents ont joué un rôle déterminant.

La diffusion de l’assistance médicale à la procréation

L'assistance médicale à la procréation consiste à aider des femmes à tomber enceintes, grâce notamment à des traitements hormonaux. En stimulant au maximum le taux d'hormones, on augmente logiquement la probabilité de double, voire de triple ovulation. Même raisonnement avec la fécondation in vitro (FIV), explique Gilles Pison:

"Au début de la FIV, les médecins implantaient souvent plusieurs embryons à la fois pour augmenter les chances de succès, dans l'espoir que ça fonctionne pour au moins l'un d'entre eux. Cette pratique est associée à une fréquence élevée de grossesses multiples.

Des maternités de plus en plus tardives

En Europe et en Amérique du Nord, les mères ont des enfants de plus en plus tardivement. Prenons l'exemple de la France. Selon l'Insee, au milieu des années 1970, les femmes accouchaient généralement de leur premier enfant à l'âge de 24 ans. Aujourd'hui, l'âge moyen d'une mère à la naissance de son premier enfant est de 28,5 ans. Ce décalage de la maternité a une conséquence sur le taux de gémellité explique Gilles Pison.

"Le taux d'hormone folliculo-stimulante (FSH) dans le sang augmente avec l'âge de la femme. Cette hormone intervient dans la maturation des ovules et aussi dans le déclenchement de l'ovulation. La hausse de son taux avec l'âge est associé à une hausse du taux d'ovulations multiples."

L'augmentation des naissances de jumeaux, un enjeu de "santé publique"

Loin d'être anecdotique, l'augmentation des naissances de jumeaux constitue "un problème de santé publique" selon le chercheur de l'Institut national d'études démographiques (Ined):

"Les jumeaux sont des enfants plus fragiles que ceux nés singletons, ils sont plus souvent prématurés et de petit poids, et ont une mortalité plus élevée au début de la vie. Les risques sont également plus importants pour la mère (diabète gestationel, prééclampsie, dépression post-partum...) et les complications de l'accouchement sont plus fréquentes dans leur cas. Sans compter que pour les parents, élever deux enfants à la fois n'est pas sans difficulté."

Les autorités de santé publique se sont d'ailleurs rapidement rendues compte des problèmes engendrés par la hausse du taux de gémélité. Dès la fin des années 1990, les pays scandinaves ont progressivement changé la manière de faire les FIV afin de générer moins de naissances de jumeaux. Résultat, le taux de gémélité commence à diminuer dans ces pays.

Et en France?

La France est également concernée par la hausse du taux de gémélité, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous. Si nous ne sommes pas le pays occidental où le nombre de naissance de jumeaux a le plus augmenté, on constate tout de même une forte augmentation en 30 ans.

Selon Gilles Pison, la France a été un peu plus lente à réagir et à prendre des mesures face à ce "problème de santé publique" que les États scandinaves. Au début des années 2000, les méthodes de FIV ont évolué progressivement pour réduire leur impact en termes de naissances multiples explique le démographe:

"En France, le taux de gémellité a quasiment doublé entre les années 1970 et aujourd'hui. Il est possible qu'on ait atteint un plateau depuis quelques années, et même qu’une baisse du taux se soit amorcée. Mais on manque encore de recul et il faudra encore quelques années pour vérifier si la nouvelle tendance se confirme."

L'étude (en anglais) est disponible ici. Il convient de préciser que l'immense majorité des jumeaux sont des "faux jumeaux" (dizygotes) et que l'augmentation de taux de gémélité les concerne eux. Le nombre de naissance de "vrais jumeaux" (homozygotes) est lui faible et relativement stable depuis 30 ans selon l'auteur de l'étude Gilles Pison.

Louis Tanca Journaliste BFMTV