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"Je suis très fier de ce rôle": des pères Noël professionnels racontent les coulisses de leur métier

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Ces dernières années, les candidats au poste de pères Noël se raréfient et de nombreuses agences peinent à recruter. Malgré tout, quelques indéfectibles passionnés ne se lassent pas de revêtir l'habit rouge et blanc pour aller arpenter les marchés de Noël et les centres commerciaux. Ces comédiens racontent à BFMTV.com leur plaisir à se glisser dans la peau du père Noël.

Il a adopté la voix, la démarche, et même l'iconique barbe blanche du père Noël. Tous les ans, dès le mois de juillet, Francis Leonesi commence à laisser pousser ses poils du visage pour être prêt à incarner le célèbre père Noël du BHV - le Bazar de l'Hôtel de ville, à Paris - en décembre. Un rôle que le comédien de 68 ans, ancien artiste de cirque à la retraite, ne prend pas à la légère.

"Il ne faut pas croire: je fais ça très sérieusement, c'est un rôle important et j'en suis très fier", assure le sexagénaire.

Cela fait maintenant huit ans qu'au mois de décembre, cet artiste sillonne les étages du grand magasin parisien à la rencontre des clients, souvent fascinés. "J'aborde cette mission avec un regard naïf, dans un esprit de déambulation clownesque", raconte en riant ce grand passionné, qui adore endosser "la voix grave, arrondie et chaleureuse" du père Noël ou son "allure à la fois tranquille et balancée".

"Une fois que j'ai mis le faux ventre et que je suis dans l'habit, c'est parti", résume-t-il. "Je fais des blagues toute la journée et je me mets beaucoup à la hauteur des enfants de façon à pouvoir vraiment rentrer dans leur univers. C'est un bonheur de s'amuser à faire ça, j'ai envie de faire des cadeaux à tous les passants."

Sylvain Bolinio dans son costume de père Noël, prêt à accueillir des enfants pour quelques photos.
Sylvain Bolinio dans son costume de père Noël, prêt à accueillir des enfants pour quelques photos. © Sylvain Bolinio

À 300 kilomètres au nord de Paris, le Dunkerquois Silvio Bolinio prend lui aussi son rôle très à cœur. Lorsqu'il a accepté d'être père Noël dans le restaurant d'une amie il y a une dizaine d'années, il s'est au préalable plongé dans des tonnes de téléfilms américains pour s'imprégner du personnage.

"J'ai regardé tout ce qui se faisait, j'ai foncé m'acheter un somptueux costume arrangé sur mesure, avec de vrais bottes et gants de cuir, un ceinturon, des lunettes."

"Quand on fait les choses, il faut bien les faire", insiste le perfectionniste, qui regrette qu'aujourd'hui, nombre de ses confrères en rouge et blanc ne (soient) plus aussi "crédibles" qu'antan. "On voit des jeunes hommes de 20 ans le faire maintenant, avec des costumes pas très qualitatifs, c'est dommage que ça se perde..."

Le souci du détail

Depuis, Silvio Bolinio a attrapé la fièvre de Noël: il ne se passe plus un mois de décembre où lui et son épouse n'arpentent pas les marchés de Noël, les comités d'entreprise et les grandes enseignes du nord de la France. Affublé de son costume rouge et blanc et de sa hotte, il se rend même chez des particuliers jusqu'au soir du réveillon, pour faire une surprise aux enfants.

"On est à une époque où les gens deviennent exigeants: ils ne se contentent plus de l'à peu près. Ils veulent le meilleur et ont le souci du détail et pour ça certains sont prêts à payer pour que le rêve opère", développe Silvio Bolinio.

La passion du couple pour Noël va tellement loin qu'ils ne réveillonnent pas entre eux, mais assurent préférer aller "diffuser la magie de Noël à droite à gauche". Pour une prestation d'environ une heure chez des particuliers, Sylvio et sa femme Lulu - âgée de 81 ans - facturent 103 euros avec les frais de déplacement.

Pour autant, le couple assure ne pas faire cela pour l'argent. "Ça aide à mettre du beurre dans les épinards, c'est sûr, ça représente un bon 13e mois", reconnaît le quinquagénaire. "Mais on ne le fait pas pour ça. Vous savez, quand vous avez l'impression que les aiguilles du temps s'arrêtent pendant la visite, le sapin scintille, c'est là notre cadeau. C'est à deux sens."

Au pôle Nord, des hauts et des bas

Pour autant, incarner Santa Claus est loin d'être de tout repos. Le désintérêt est tel que les candidats sont de plus en plus rares et que les agences d'interim ou d'événementiel peinent à recruter à quelques jours du mois de décembre. Frédérick Manzorro est mascotte professionnelle depuis six ans en région Rhône-Alpes. Si lui reste enthousiaste à l'idée d'endosser ce rôle, il sait par exemple que "beaucoup de collègues refusent de s'y coller".

"C'est ingrat quand même", reconnaît-il. "Dans le costume, il fait chaud, ça gratte, et puis il faut vraiment rentrer dans un rôle."

"On ne peut pas se contenter du minimum", ajoute-t-il. "Il faut une voix, une gestuelle, faire attention à ce qu'on dit. On passe la journée à tourner la tête dans tous les sens, à être ultra sollicité."

Sans oublier qu'au pôle Nord, il faut faire preuve de patience et de jovialité tout au long de la journée, parfois sans pause: Frédérick Manzorro ne cache pas que les journées peuvent être un peu longues avec "les enfants qui crient, vous sautent dessus, tirent sur la barbe pour voir si c'est une vraie... et bien sûr les parents qui sont parfois irrespectueux".

"Vous seriez surpris du nombre de parents qui ne nous disent pas bonjour, nous collent leur enfant sur les genoux en criant 'vas-y prends une photo avec mon fils'", se souvient le Lyonnais. "Sans compter ceux qui s'embrouillent entre eux, et ceux qui nous pressent à prendre des photos vite, et j'en passe".

"Happé par l'ambiance de Noël"

Malgré ces désagréments, Frédérick Manzorro est vite "happé par l'ambiance de Noël". "Même si je transpire, si j'ai chaud ou que le public est chiant, à partir du moment où je vois les yeux de mon public briller... je ne calcule plus l'heure, je suis pris dedans", poursuit-il.

Pas de doute, il préfère "de loin faire ça, plutôt que d'être dans un bureau à supporter des collègues".

Une vision partagée par le Parisien Francis Leonesi, qui contrairement à bon nombre de ses confrères, a la chance de pouvoir interpréter son personnage en intérieur, entre les rayons de jouets et non dans le froid d'un marché de Noël. "Je déambule comme je veux dans le magasin donc j'ai le luxe de pouvoir prendre mon temps, d'aller surprendre des enfants en train d'admirer des jouets par exemple", raconte-t-il.

Une vidéo enregistrée pour le neveu, un selfie avec une grand-mère, un autographe pour un autre... Francis Leonesi a gardé un pied dans l'enfance et il sait comment créer des échanges et des souvenirs marquants pour les familles.

"Et alors, qu'est-ce que tu fais dans la vie? Est-ce que tes parents ont été sages cette année?": les années ont beau passer, le comédien trouve toujours un malin plaisir à décontenancer les petits et grands en leur posant des questions farfelues. Et preuve que le charme opère: il assure que certaines familles reviennent spécifiquement dans le grand magasin pour le retrouver.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV