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"Je n'ai pas le choix": face au coût de l'énergie, une boulangère contrainte de licencier du personnel

En raison de factures d'électricité qui explosent, Corinne Butard est contrainte de se séparer de certains de ses salariés "pour essayer de moins sacrifier" l'autre partie de son équipe.

Une situation déjà compliquée, qui risque bien d'empirer dans les semaines à venir. A la tête de trois boulangeries en Seine-et-Marne, Corinne Butard subit de plein fouet la hausse du prix de l'énergie dans un secteur qui consomme beaucoup d'électricité. Invitée lundi soir sur l'antenne de BFMTV, celle qui employait encore 26 personnes en décembre dresse un tableau extrêmement pessimiste de sa situation.

"On est asphyxiés par les charges, par la hausse des matières premières, on attend une autre hausse début janvier, il y a un moment on ne peut plus", commence-t-elle.

Des licenciements et des pleurs

Et ces augmentations ont un effet direct sur le quotidien puisque l'entrepreneuse a annoncé être contrainte de se séparer d'une partie de son personnel. "Je suis obligée de licencier, je n’ai pas le choix", regrette-t-elle.

"Elles pleurent, j’ai pris deux de mes vendeuses dans mes bras, elles ont été là dans les mauvais moments et moi, je les lâche, je n’ai pas le choix, je suis obligée de sauver une partie de l’équipe, je suis obligée de regarder ceux qui ont plus d’emprunts, ceux qui ont des enfants, pour essayer de moins les sacrifier, mais les autres?", détaille-t-elle, visiblement touchée par la situation. "Ce n’est pas juste", ajoute-t-elle.

Une double peine pour Corinne Butard puisque, selon elle, les employés licenciés auront bien du mal à retrouver un poste dans un secteur miné par la crise actuelle.

"En boulangerie, personne ne va embaucher, mes vendeuses c’est pareil, elles ont des crédits, charges, enfants, je leur ai annoncé ce matin et je pleurais avec eux, c’est une famille", se lamente-t-elle.

"J'ai toujours bien géré"

Au-delà de la tristesse, c'est un sentiment de colère vivace qui saisit Corinne Butard. En particulier, l'entrepreneuse en veut au ministère de l'Économie qui "ne comprend pas notre situation."

"Ça fait 25 ans que j’ai des boulangeries, j’ai toujours bien géré, je n’ai jamais été à découvert, jamais de retards", argue-t-elle.

"Au ministère, je pense qu’il faut qu’ils prennent conscience aussi qu’on sait gérer nos boutiques. Qu’on entende qu’on ne sait pas gérer alors que je pense qu’eux ont un peu plus de mal à gérer que nous… Il y a des gens ça fait 25 ans 30 ans qu’ils gèrent la même boutique et du jour au lendemain on leur dit 'si vous fermez c’est que vous ne savez pas gérer'", tacle-t-elle.

Selon elle, le gouvernement devrait prendre exemple sur l'Espagne qui a supprimé la TVA sur les matières de première nécessité afin de soulager les entrepreneurs. "Nous on ne fait rien, on attend qu’on coule et on nous propose des prêts garantis par l’Etat. Mais les prêts faut les rembourser et on ne pourra pas payer", tance-t-elle, regrettant ne pas avoir droit au bouclier tarifaire.

"On n’y a pas droit car on consomme trop, mais il fallait peut-être qu’ils y pensent avant. Beaucoup de boulangeries ont fermé au 31 décembre, d’autres vont le faire au fur et à mesure", alerte-t-elle encore.

"On est une corporation qui se tait..."

Alors pour trouver un peu de répit, Corinne Butard a été forcée de négocier directement avec EDF afin d'empêcher une trop grosse augmentation de ses factures d'électricité.

"J’ai réussi à négocier chez un nouveau contrat et je suis qu’à x5 au lieu de x10, mais ça ne changera pas le problème, je ne pourrai toujours pas payer mes factures. Ils ont proposé des contrats Matina, spéciaux pour les boulangers. Il y a des heures pleines, creuses et super-creuses de 3h à 6h du matin", ce qui rend le kilowatt-heure moins élevé que prévu.

Malgré ce faible répit, la colère ne retombe pas chez cette entrepreneuse qui se dit prête à prendre part à des manifestations afin de montrer son mécontentement.

"Nous on est une corporation qui se tait, jamais on a été dans la rue ou manifesté mais là on n’a pas le choix. Bien sûr que je vais y aller si une manifestation est prévue le 23 janvier, mais on en arrive où?", conclut-elle.

En réponse à cette colère, la ministre déléguée chargée des PME, du Commerce et de l'Artisanat, Olivia Grégoire, avait assuré que dès janvier, le gouvernement allait "prendre en charge une partie de la facture des artisans."

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV