Grève: ce que risquent les agents qui coupent l'électricité

Image d'illustration du réseau électrique français - Philippe Huguen - AFP
Depuis décembre, le syndicat CGT a revendiqué des coupures d'électricité volontaires dans diverses régions de France, des actions liées à la grève contre la réforme des retraites. La CGT Energie a annoncé lundi dans un communiqué une semaine "rythmée par la grève et des actions innovantes partout en France (...) pour une retraite solidaire décente et pour l'exigence du service public".
Mardi, la centrale de Grand'Maison en Isère, l'usine hydro-électrique la plus puissante de France, a été mise à l'arrêt par les grévistes CGT du site. Ce syndicat revendique également une coupure de courant mardi matin sur la zone d'Orly et de Rungis (Val-de-Marne).
"L'objectif est de monter d'un cran depuis la mobilisation du 9 janvier, et d'aller crescendo jusqu'au 24 janvier" date de la présentation du projet au conseil des ministres, a expliqué à l'AFP Sébastien Menesplier, le secrétaire général de la FNME CGT.
"Tout cela doit être sanctionné"
"Vouloir bloquer un certain nombre de sites, ne pas respecter la loi en s'introduisant dans telle ou telle enceinte privée, procéder à des coupures sauvages de courant, tout cela c'est méconnaître la démocratie, tout cela c'est méconnaître la loi et tout cela doit être sanctionné car ça n'est pas acceptable", a déclaré le Premier ministre mardi.
Dans un communiqué, RTE (Réseau de transport d'électricité) a annoncé qu'il "déposera plainte pour chaque coupure volontaire et mettra en œuvre les procédures disciplinaires nécessaires", car ces coupures "dépassent les limites admissibles dans le cadre du droit de grève". Enedis - entreprise chargée de la gestion et de l'aménagement du réseau de distribution d'électricité - avait également publié un communiqué rappelant qu'une plainte était déposée à chaque coupure.
Selon les informations d'RMC, une cinquantaine de militants CGT ont déjà été auditionnés, et deux hommes ont été interpellés alors qu'ils tentaient de couper le courant à Orléans (Loiret). Ils devraient être jugés fin février.
Contacté par BFMTV.com, RTE déclare avoir déposé plainte au pénal pour "intrusion dans un ouvrage électrique" et "manoeuvre non autorisée sur le réseau électrique". Ces contraventions de 5e classe sont encadrées par l'article R323-37 du Code de l'énergie. Les responsables encourent une amende de 1500 euros "montant qui peut être porté à 3000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit", précise le Code Pénal.
Les sanctions disciplinaires évoquées ne sont toutefois pas encore caractérisées.
"Mise en danger de la vie d'autrui" ?
"Le procureur pourra de son côté ajouter de nouveaux chefs d'accusation", à ces plaintes, explique-t-on à RTE. "S'il y a eu des conséquences sur la vie d'autrui, par exemple quelqu'un de malade qui a vu son respirateur s'arrêter pendant plusieurs minutes, il pourrait ajouter la charge de 'mise en danger de la vie d'autrui'", punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.
Les responsables des coupures pourraient également être accusés de dégradations, selon Me Anna Caresche, avocate pénaliste, interrogée par L'Express. Si cela est "considéré comme un délit, on sera sur des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans, et des amendes pouvant s'élever jusqu'à 30.000 euros, comme le précise l'article 322-1 du Code pénal".
Le Parisien rappelle de son côté un précédent dans ce type de conflit: un arrêté de la cour d'appel de Versailles datant de 2006, qui condamne la CGT à payer à EDF des "frais d'intervention de remise en gaz et en électricité à la suite des coupures sauvages" lors d'une grève en 1998.
"Il y a eu des dommages collatéraux"
"Ce qui s'est passé est grave, quand on a des dizaines de milliers de foyers qui ont été privés d'électricité, et puis, à Lyon, cinq cliniques, une station de métro, une caserne de pompiers", avait dénoncé la ministre de la Transition Écologique Élisabeth Borne, interrogée sur France Inter mercredi.
"Quand il y a des gens en grève il y a des conséquences", a déclaré Philippe Martinez mercredi sur BFMTV, refusant d'appeler les militants à arrêter leurs actions. "Je dis au gouvernement: ça suffit les provocations (...) il y a un problème dans ce pays, c'est le projet de contre-réforme des retraites, c'est ça qu'il faut régler".
"Il y a eu des dommages collatéraux", avait reconnu à l'AFP le secrétaire départemental CGT-Energie Xavier Charreyron. "On est navrés, on s'excuse auprès des particuliers. Mais on défend un régime spécifique, historique, qui concerne les agents d'astreinte qui peuvent revendiquer un départ à la retraite dès lors qu'ils cumulent 15 ans minimum d'astreinte", a-t-il ajouté.