Avec la voiture autonome, la fin des accidents?

Le véhicule autonome développé par la société française Navya, le 20 novembre 2017, à Bobigny. - AFP
Limitation de la vitesse à 80km/h sur certaines routes, durcissement de la législation sur l’usage du téléphone au volant, installation d’éthylotests anti-démarrage. Avec ces mesures, le gouvernement a décidé de s’attaquer frontalement à la violence routière, et espère ainsi épargner 400 vies chaque année. Il faut dire que les chiffres repartent à la hausse depuis trois ans, avec près de 3500 morts et 70.000 blessés par an.
Dans 90% des cas, des facteurs humains sont à l’origine des accidents. Supprimez le chauffeur équivaut-il alors à supprimer le fléau de la mortalité routière? C’est tout l’intérêt de la voiture autonome: elle n’est jamais sous l’emprise de l’alcool ni de stupéfiants, elle ne téléphone pas en conduisant (ou alors elle sait faire les deux en même temps), et elle ne ressent pas la fatigue.
C’était le sens d’une étude de 2016 du Boston Consulting Group. Après avoir interrogé 5500 personnes et une soixantaine de dirigeants mondiaux, le BCG arrivait à un chiffre ahurissant: 90% d’accidents de la circulation en moins.
"Aux alentours de 2020, les premiers véhicules de niveaux 4 et 5 vont être mis sur les routes"
La question n'est donc pas de savoir si la voiture autonome mettra fin au fléau de la mortalité routière. Mais plutôt "quand". Le premier écueil avant le tout-voiture-autonome est technologique. Le degré d'autonomie d'une voiture comporte aujourd'hui six niveaux. Pour schématiser, le niveau 0, c'est une vieille 4L de 1976 avec 500.000 kilomètres au compteur, et le niveau 5, c'est la voiture digne des romans d'anticipation. "Aujourd’hui, les véhicules qui sont disponibles dans le commerce sont au niveau 2, avec des aides à la conduite comme le freinage d’urgence. La première voiture de niveau 3 qui devrait être commercialisée, c’est l’Audi A8, en 2018. Vous aurez un assistant à la conduite dans les embouteillages et sur autoroute", indique Franck Cazenave, directeur "Smart Cities" et voiture autonome chez Bosch.
"Au niveau 4, le conducteur est autorisé à lâcher le volant et il n’a plus à superviser son véhicule. Au niveau 5, il n’y a même plus de volant, (ce qui est interdit en France, NDLR)", reprend Franck Cazenave. "On peut se dire qu’aux alentours de 2020, les premiers véhicules de niveau 4 et 5 vont être mis sur les routes! Ce qui est loin d’être une certitude, c’est quel sera le premier acteur qui va mettre ces véhicules sur le marché, et dans quel pays cela va se produire".
Ce jour-là, le parc automobile français doit-il s'attendre à une conversion rapide? "Il y 38 millions de véhicules en France. Quand la voiture autonome sera déployée, le parc automobile français diminuera. Il n’y en aura pas 38 millions, avec des véhicules autonomes et partagés. Malgré tout, le niveau d'adoption va être très rapide. En 2007, Steve Jobs présente l’iPhone. Dix ans plus tard, 80% des Français possèdent un smartphone. Alors, avec une voiture autonome de niveau 5, plus sûre que la conduite humaine, libérant les individus de la conduite et leur offrant du temps libre, pourquoi ne pourrait-on pas atteindre 50% des kilomètres parcourus avec ces véhicules autonomes, 10 ans après leur introduction?", enchaîne Franck Cazenave.
Garder le contrôle
Quand ce jour arrivera, il faudra un cadre légal adapté, ce qui n'est pas encore totalement le cas. Depuis août 2016, une ordonnance permet aux constructeurs de tester leurs modèles sur le territoire français, après en avoir fait la demande auprès du ministère des Transports. Ce qui permet à PSA ou Renault de tester dès maintenant certains modèles au milieu de la circulation sur le périphérique parisien, par exemple.
Mais pour le grand public, l’utilisation des systèmes d’autonomie des véhicules est très encadrée. "Si vous achetez une voiture autonome, vous avez le droit de vous en servir, mais vous n’avez pas le droit de ne pas conduire", explique Alain Bensoussan, avocat à la Cour d’appel de Paris, spécialisé en droit des technologies avancées. "La nuance, c’est que vous devez rester vigilant. Un propriétaire de Tesla aujourd’hui a le droit de se mettre en délégation d’autonomie, mais il doit rester en position de conduite. Vous n’avez pas le droit de vous mettre à jouer aux cartes. Il faut qu’il puisse y avoir une reprise en main à tout moment".
L'Etat semble conscient qu'il ne faut pas prendre de retard. A l'automne 2017, Anne-Marie Idrac a été nommée Haute responsable pour la stratégie nationale de développement des véhicules autonomes. Elle doit coordonner l'action gouvernementale sur le sujet, qui touche autant à la réglementation qu'au développement des infrastructures nécessaires. "On ne peut pas continuer à avoir 3000 morts par an. Ce n’est pas une question technique ou une question juridique, c’est purement et simplement politique", reprend Alain Bensoussan. Selon lui, si la loi se retrouve à la traîne de la technologie, "un jour il y aura une responsabilité de l’Etat pour avoir retardé cette question".
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