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Société

Après la Ligue du LOL, Vice France et le HuffPost pointés du doigt pour des groupes sexistes

Les logos du Huffington Post et de Vice News.

Les logos du Huffington Post et de Vice News. - -

Dans la foulée des révélations sur la Ligue du LOL, plusieurs médias révèlent ce lundi que des salariés de Vice France et du Huffington Post ont été licenciés ces deux dernières années pour avoir insulté leurs consoeurs dans des groupes de messagerie privés.

Après la mise au jour du scandale de la Ligue du LOL ce week-end, les témoignages s'accumulent sur les pratiques sexistes et le harcèlement qui sévissent au sein de grandes rédactions françaises.

Dans la foulée la mise en cause de journalistes de Libération, Télérama, Slate, Brain Magazine ou encore des Inrocks, cinq personnes ont d'ores et déjà été écartées. Mais ce lundi, les révélations se poursuivent: il s'avère que les rédactions de Vice France et du HuffPost ont également été le théâtre de harcèlement à caractère sexiste, raciste ou homophobe de salariés, des femmes dans leur écrasante majorité.

Au sein des deux médias en ligne, des groupes fermés de messagerie instantanée avaient été créés par des hommes, en vue de moquer et insulter leurs collègues femmes.

Deux licenciements chez Vice France

Le magazine l'Express révèle ce lundi que les salariées de Vice, pureplayer connu pour sa ligne éditoriale jeune et branchée, n'ont pas été épargnées. Un groupe fermé de messagerie instantanée Gmail, intitulé "Les Darons" puis "Townhall", avait été créé par plusieurs cadres de Vice France en vue d'insulter leurs consoeurs. À longueur de journées, une petite dizaine d'hommes, en position hiérarchique supérieure, multipliait les blagues et autres propos sexistes à l'encontre de leurs collègues.

"Nos moindres faits et gestes y (étaient) recensés et systématiquement tournés en dérision ou sur-sexualisés!", se souvient auprès de l'Express une journaliste victime de cette messagerie de groupe. "Nous avons fini par parler quand notre DRH est entrée en poste alors que nous subissions des discriminations depuis des années".

Rodolphe B. et Sébastien C., les plus actifs, seront finalement licenciés en juillet 2017 pour faute grave, après la découverte des faits.

"Il apparaît en effet que vos collègues ont à subir quotidiennement des remarques désobligeantes et humiliantes, que ce soit sur la qualité de leur travail, le fait que ce soient des femmes ou parfois même sur leur orientation sexuelle", stipule la lettre de licenciement de l'un des deux, mentionnée par l'Express, qui précise aussi: "Nous avons en ce sens reçu des témoignages particulièrement clairs et similaires qui, tous, démontrent que vous manifestez clairement, publiquement et de manière assumée une attitude méprisante à l'égard de vos collègues femmes allant jusqu'à les qualifier de "greluches" sur vos lieu et temps de travail". 

En réaction, plusieurs de ces salariés pointés du doigt ont dénoncé les pratiques managériales de Vice, notamment par le biais d'un article paru dans le journal Libération, écrit par un certain... Alexandre Hervaud, membre de la Ligue du LOL.

Trois journalistes licenciés au HuffPost

Checknews, le site de fact-checking de Libération, révèle ce lundi que des pratiques similaires ont également eu lieu entre les murs du Huffington Post France. Trois journalistes ont été licenciés en décembre 2018, après la découverte d'un groupe Slack nommé "Radio Bière Foot", l'été précédent.

Ce groupe privé, qui regroupait une vingtaine d'hommes de la rédaction à l'exception d'un chef jugé "trop bosseur" et de deux hommes ouvertement homosexuels, faisait office de lieu de défouloir sexiste, homophobe et raciste, où des propos d'une violence rare étaient disséminés.

"Dès qu’un (membre du groupe) avait une info sur l’une des filles, il la balançait aux autres. C’est comme ça que ça a commencé à se savoir. Trois collègues féminines avaient postulé dans d’autres médias. L’une de ces filles a su que cette info était sortie dans le groupe et a prévenu la hiérarchie", témoigne un journaliste, membre du groupe. 

Puis d'autres salariées ont eu accès au groupe, grâce à un ordinateur groupé du service vidéo, sur lequel le compte Slack de l'un d'eux n'y avait pas été déconnecté. Les salariées ont ainsi pu réaliser des captures d'écran, publiées sur le site de Libération. Celles-ci révèlent que les femmes y étaient notées sur leur physique, leurs tenues et que leurs moindres faits et gestes y étaient scrutés et raillés. Une femme était par exemple systématiquement désignée par une image de Kim Jong-un maquillé, surnommée "pupute" selon plusieurs journalistes femmes, en raison de ses origines asiatiques. Les membres de "RBF" affirment qu'il s'agissait simplement d'illustrer le caractère "autoritaire" des femmes de la rédaction.

Plusieurs journalistes femmes victimes de ce groupe expliquent avoir été "détruites psychologiquement" par ce groupe et par l'ambiance sexiste qui régnait au sein de la rédaction. Au mois d'octobre, plusieurs femmes ébruitent l'affaire et la portent jusqu'à la direction de la rédaction.

"L'automne dernier, nous avons appris l'existence d'une boucle, au sein de la messagerie professionnelle Slack, sur laquelle des collaborateurs du Huffington Post France tenaient dans un cadre professionnel des propos inadmissibles, contraires à la loi et aux valeurs que nous défendons", prévenait Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde auquel Le HuffPost appartient, dans un mail envoyé en interne. 

Depuis, une société a été mandatée pour mettre en place un programme de prévention du risque de violences sexistes. L'un des journalistes licenciés explique cependant avoir demandé à son avocate de saisir les prud'hommes, jugeant que la sanction "ne repose sur aucun fondement".

Jeanne Bulant