Qu’est-ce que l’anakinra, ce médicament prometteur pour traiter les formes graves de Covid-19?
Un médicament offre une lueur d’espoir dans le traitement des cas graves de Covid-19. L'anakinra, initialement destiné à des maladies rhumatismales, donne des résultats "encourageants" en réduisant le risque de décès et le besoin d'être mis sous respirateur en réanimation, selon une étude française menée par le groupe hospitalier Paris Saint-Joseph.
"Les résultats de notre étude suggèrent que l’anakinra est un traitement efficace dans la phase hyper-inflammatoire du Covid-19, situation qui comporte un risque élevé de transfert en milieu de soins intensifs", explique dans un communiqué le Docteur Gilles Hayem, chef du service de rhumatologie.
Contrer les "tempêtes inflammatoires"
Avec l’anakinra, les scientifiques tentent donc de contrer l'"orage cytokinique", une situation où les poumons ne fournissent pas assez d'oxygène aux organes vitaux et qui nécessite l'assistance d'une ventilation artificielle avec l'utilisation de respirateur. Plus spécifiquement l'anakinra cible, pour bloquer, une des cytokines impliquées dans cette "tempête inflammatoire", l'interleukine-1 (IL-1).
Au cours de l’étude, l'équipe médicale a pu constater que l'administration par injection sous-cutanée pendant 10 jours de l'anakinra à 52 patients atteints d’une forme grave de Covid-19 entraînait une "réduction statistiquement significative du risque de décès et de passage en réanimation pour assistance respiratoire par ventilation mécanique".
Baisse de la mortalité et des transferts en réanimation
Un quart des patients traités avec l'anakinra ont été transférés en réanimation ou sont décédés, contre près de 73% de ceux n'ayant pas eu cette biothérapie. Le groupe de comparaison était formé de 44 patients qui avaient été auparavant pris en charge dans la même institution. Dans le groupe recevant de l’anakinra, une diminution rapide des besoins en oxygène a été également observée au bout de 7 jours de traitement.
"La réduction significative de la mortalité associée à l'utilisation de l'anakinra pour le Covid-19 dans cette étude est encourageante en ces temps difficiles", commente le rhumatologue Randy Cron de l'Université d'Alabama, aux États-Unis, dans la revue spécialisée The Lancet Rheumatology où l'étude a été publiée.
"Profil de sécurité favorable"
Il souligne le "profil de sécurité favorable" de ce médicament bien connu des rhumatologues. En effet, l’équipe médicale du groupe hospitalier Saint-Joseph estime que “la tolérance de l’anakinra a été satisfaisante".
"La décision de proposer l'anakinra (...) a rapidement changé le visage de la maladie en salle", souligne le professeur Jean-Jacques Mourad, co-signataire de l'étude. "Le bénéfice était ‘palpable’ au quotidien", selon lui. A ce stade, les chercheurs sont "convaincus que ce traitement doit être testé sur un plus grand nombre de patients hospitalisés en phase sévère du Covid-19".
"Lueur d'espoir"
"Il existe actuellement une douzaine d'essais cliniques explorant le blocage de la cytokine IL-1 associée au syndrome de tempête inflammatoire du Covid-19", écrit le Dr Randy Cron. Trois petites séries de cas (dont une italienne) ont rapporté que l'anakinra bénéficiait aux patients atteints de Covid-19.
"Mais cette étude apporte la preuve la plus probante à ce jour que l'anakinra peut bénéficier aux patients souffrant du syndrome de tempête de cytokines associé à la Covid-19", poursuit-il.
Et même s'il convient encore d'attendre les résultats d'essais contrôlés, le docteur Randy Cron voit dans ce traitement "une lueur l'espoir pour ceux qui sont gravement touchés par la Covid-19".