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Santé

Pourquoi les médecins sont dans la rue

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Ce 28 avril, les médecins manifestent contre le projet de loi "Hôpital, patients, santé, territoires". Ils dénoncent la transformation de l'hôpital public en entreprise privée. L'un d'eux s'explique.

Ce mardi 28 avril, des médecins des hôpitaux de toute la France, ainsi que d'autres personnels hospitaliers, des professeurs d'universités et des étudiants manifestent à Paris contre le projet de loi "Hôpital, patients, santé, territoires" mené par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot.
Avec le double objectif de réduire les coûts et d'améliorer la sécurité des soins, cette réforme prévoit notamment de regrouper les établissements en "communautés hospitalières" en transformant les conseils d'administration en conseils de surveillance chargés de veiller aux équilibres financiers, avec un nouveau directeur aux pouvoirs renforcés.
Pour certains médecins, ce projet de loi va accroître les pouvoirs des directeurs d'hôpitaux au détriment des leurs. Ils reprochent au projet de "caler l'hôpital sur l'entreprise" en renforçant un directeur qui "pourra n'avoir aucune compétence médicale" et estiment qu'il "organise des suppressions massives et injustifiées d'emploi d'infirmiers et d'aides-soignants".

« Il n'y aura pas de contre-pouvoir au pouvoir administratif »

Le Professeur Laurent Lantieri, chef du service de chirurgie plastique et reconstructive de l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, explique pourquoi il manifeste aujourd'hui contre la réforme Bachelot : « La réforme du système hospitalier est basée sur 2 grands principes qu'a voulu le Président de la République : il faut un patron à l'hôpital et le concept de l'hôpital-entreprise. Or, il y a déjà un directeur à l'hôpital. Je négocie régulièrement avec la directrice de l'hôpital Henri-Mondor où je travaille, sur des problèmes de budget, de personnel... Il ne faut pas dire qu'il n'y a pas de patron à l'hôpital. Ce qui nous dérange dans la nouvelle loi, c'est qu'il n'y aura pas de contre-pouvoir au pouvoir administratif. Le directeur sera nommé par le Conseil des ministres ou par l'agence régionale de santé, et c'est le directeur lui-même qui va nommer son directoire. Comme si dans une entreprise c'était le directeur qui nommait son conseil d'administration. Et ça, ça nous paraît aberrant. Les médecins n'auront qu'une voix consultative. »

« On n'est pas aux Etats-Unis, en France on a la Sécu »

Quant au concept d'hôpital-entreprise soutenu par la réforme Bachelot, pour le Professeur Lantieri, il n'est pas possible en France : « Un hôpital n'est pas tout à fait une entreprise comme les autres. Cela pourrait être le cas ; comme on le voit aux Etats-Unis, où les hôpitaux sont des vraies entreprises qui offrent des services aux patients qui payent. Mais on oublie qu'en France, le système est complètement différent puisqu'il y a une assurance nationale qui est la Sécurité sociale. Je ne pense pas que du jour au lendemain, on va dire : celui-là n'a pas assez d'argent, il ne peut pas être pris en charge. Il y aura toujours la Sécu, un troisième payeur. Et si c'était vrai que grâce à l'hôpital-entreprise, on pouvait remettre les comptes à zéro et faire des bénéfices, il n'y aurait pas d'entreprise en France qui mettrait la clé sous la porte. Ce que nous craignons c'est que tout soit dicté uniquement sur des contingences purement financières et administratives. »

Le texte "Hôpital, Patients, Santé, Territoires", déjà voté par les députés, sera examiné à partir du 11 mai au Sénat.

La rédaction, avec Eric Chimot-Bourdin & Co