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Santé

Mediator: Irène Frachon plaide pour l'indépendance des médecins

La pneumologue Irène Frachon a plaidé devant les députés pour une meilleure indépendance des médecins vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques, dont l'omniprésence a selon elle joué un grand rôle dans l'affaire du Mediator. /Photo prise le 5 janvier 201

La pneumologue Irène Frachon a plaidé devant les députés pour une meilleure indépendance des médecins vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques, dont l'omniprésence a selon elle joué un grand rôle dans l'affaire du Mediator. /Photo prise le 5 janvier 201 - -

PARIS (Reuters) - La pneumologue Irène Frachon a plaidé devant les députés pour une meilleure indépendance des médecins vis-à-vis des laboratoires...

PARIS (Reuters) - La pneumologue Irène Frachon a plaidé devant les députés pour une meilleure indépendance des médecins vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques, dont l'omniprésence a selon elle joué un grand rôle dans l'affaire du Mediator.

Première à être entendue par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur ce médicament interdit depuis 2009, celle qui fut la première à tirer la sonnette d'alarme est revenue pendant deux heures et demie sur une "histoire qui a accompagné toute (sa) vie de médecin".

Le Mediator, un puissant anorexigène commercialisé par les laboratoires Servier comme un anti-diabétique, aurait provoqué la mort de 500 à 2.000 personnes en France depuis 1976, selon deux études publiées fin 2010.

Ces révélations ont conduit à l'ouverture d'une enquête pénale et à une remise en cause globale du système sanitaire.

Irène Frachon a longtemps prêché dans le désert, les autorités sanitaires renonçant à plusieurs reprises à interdire le Mediator malgré des études montrant qu'il était inefficace et dangereux dès les années 1990.

Des zones d'ombre demeurent, a-t-elle souligné devant la presse après son audition par la commission présidée par un député socialiste, la cardiologue Gérard Bapt.

"On n'a pas bien compris ce qui s'est passé, pourquoi à certains étages ça a été tellement discordant, pourquoi des décisions qui allaient à l'encontre de conclusions étaient prises, et c'est vrai qu'on s'interroge sur la puissance de lobbies conscients ou inconscients", a-t-elle dit.

Cette "affaire exceptionnelle (qui) ne doit pas être assimilée à l'ensemble de la pharmacopée française" pose à ses yeux la question de l'indépendance du corps médical vis-à-vis des laboratoires.

"Cette histoire caricaturale a mis au jour une proximité très forte entre l'agence (française du médicament-NDLR) et l'industrie pharmaceutique, entre cette dernière et la communauté médicale, la recherche, les étudiants en médecine", a dit la pneumologue, qui exerce au CHU de Brest.

PRESSIONS

"Il faut vraiment donner priorité à l'indépendance, dès l'origine, des médecins, qu'ils restent indépendants dans leur raisonnement médical", a-t-elle plaidé. "Les simples chartes de bonne conduites sont inopérantes dans ce domaine".

Irène Frachon a raconté l'affaire dans un livre, "Mediator 150 mg : Combien de morts ?".

Attaquée par les laboratoires Servier qui ont voulu interdire ce titre, elle a obtenu gain de cause mardi devant la cour d'appel de Rennes.

Si elle avoué devant les députés avoir subi des pressions, la pneumologue n'a jamais envisagé de renoncer à son combat.

"La préoccupation était d'avertir les victimes. Pour les avoir, pour certaines, bien connues ou accompagnées, il n'était pas question de faire demi-tour", a-t-elle assuré. "Moi je ne suis pas fragile, je n'ai pas de valvulopathie. Elles, elles sont très malades, très angoissées, très en colère".

Flore Michelet, auteur d'une thèse où elle évalue à un millier le nombre de personnes mortes à l'hôpital à cause de complications dues au Mediator, s'est aussi exprimée devant la commission, où siège le député communiste Maxime Gremetz, qui a raconté avoir pris du Mediator pendant 15 ans.

En France, "très peu de médicaments sont retirés en lien avec la pharmacovigilance mais plutôt pour des raisons commerciales, parce qu'il ne sont pas rentables", a-t-elle fait remarquer.

Dans sa thèse, la scientifique propose notamment de développer les études de cas témoins et de consulter les épidémiologistes à propos des médicaments soupçonnés de produire des effets indésirables.

Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, sera auditionné le 15 février par la commission parlementaire, qui doit rendre ses conclusions en juin.

Elizabeth Pineau, édité par Laure Bretton