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Santé

Les antidépresseurs dangereux au volant

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Une étude de l'Inserm parue mercredi fait le lien entre prise de médicaments antidépresseurs et accidents de la route. Selon l'institut, les patients sous traitement auraient un risque accru d'accident de 34%. Ce sont les anxiolytiques qui seraient les plus susceptibles de provoquer un accident.

C’est un danger qui est parfois sous-estimé par les dépressifs. Une étude de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) parue mercredi révèle que la prise d'antidépresseurs entraîne un risque accru d'accident de la route (+34%). C’est principalement en début de traitement ou lors de sa modification que le risque est le plus grand.
Les chercheurs de l'Inserm ont croisé les fichiers de police sur les accidents de la route avec blessés et ceux de l'assurance maladie pour déterminer les médicaments prescrits à ces conducteurs dans les jours précédant l'accident.
Parmi les médicaments les plus susceptibles de provoquer un accident arrivent en tête les benzodiazépines (utilisés comme anxiolytiques ou pour dormir) qui doublent le risque, largement devant les antiépileptiques, les hypnotiques apparentés aux benzodiazépines, les antidépresseurs ou les substituts opiacés.

« Une baisse de la vigilance, des réflexes et de l’attention »

Emmanuel Lagarde, chercheur à l'Inserm, est l'auteur de cette étude. Et il affirme avoir été étonné par ces résultats : « On sait que les gens qui prennent des antidépresseurs ont 34% de risques supplémentaires d'avoir un accident de la route. On ne s'attendait pas à cette conséquence, puisque les nouveaux médicaments antidépresseurs ont été mis au point et vendus justement parce qu'ils ont des effets secondaires indésirables beaucoup moins importants que les anciens. Et en fait, en faisant cette étude on se rend compte que ce n'est pas vrai et qu'il y a des périodes de vulnérabilité importante où les gens mettent plus de temps à freiner, à réagir aux évènements imprévus. C'est plutôt une baisse de la vigilance, des réflexes et de l'attention ».

« Comme si je planais »

Cette baisse de la vigilance, les malades l’ont constaté par eux-mêmes, comme l’explique Nicolas, qui a été sous traitement pendant plusieurs mois : « J'avais l'impression d'être un zombie, je n’avais aucune émotion. C’est comme si on venait de se lever et qu'on avait la tête dans le seau. Je me suis ainsi fait la réflexion au volant, sur le fait que ça pouvait être plus dangereux pour moi ». Même ressenti pour Didier, qui a pris des antidépresseurs pendant 10 mois : « Je prenais 2 comprimés le matin. Je n’étais pas dans un état de somnolence, pas vraiment sans réaction, mais avec moins de réactions. Comme si je planais un peu. Pour conduire, ça demande plus de concentration. Les premiers mois je me disais qu’il fallait que je sois plus vigilant. Le week-end je me disais "je ne prends pas la voiture". En plus je suis motard, mais je ne souviens pas d'avoir pris la moto pendant 8-9 mois ».

« Démarrer un peu vite sans regarder »

Au-delà de la somnolence, les antidépresseurs peuvent aussi avoir des effets euphorisants ou excitants. « Quand quelqu'un est déprimé, le traitement va le stimuler, explique Charles Mercier-Guillon, du conseil médical de l'association prévention routière. Les gens ont un petit plus l'envie de faire quelque chose qu'ils ne feraient pas en temps normal, comme dépasser une voiture ou démarrer un peu vite sans regarder ».
Les médecins rappellent que les boîtes d'antidépresseurs vendues en France comportent un pictogramme de niveau 2 (triangle orange avec voiture noire à l'intérieur) invitant les conducteurs à être « très prudents » et à ne pas conduire sans l'avis d'un professionnel de santé.

La Rédaction avec Thomas Chupin