La consommation d’alcool des ados inquiète médecins et parents

« Aujourd’hui, les jeunes utilisent l’alcool comme une drogue de défonce… », constate le chef du service d'addictologie à l'hôpital Beaujon de Clichy. - -
Selon les spécialistes, à 15 ans, un adolescent sur deux a déjà été ivre. Et à cet âge, 9% avouent une consommation régulière. Les comas éthyliques des jeunes sont de plus en plus fréquents, affirment les médecins des urgences. Cette alcoolisation massive des très jeunes se fait souvent avec de la vodka, moins cher et incolore, donc pouvant être caché dans une bouteille d’eau. Et malgré l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs, les adolescents savent comment acheter leurs bouteilles : ils évitent les supermarchés et achètent plutôt dans les petites épiceries qui acceptent de leur en vendre.
Chiffres à l’appui, l’association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL) tire la sonnette d'alarme. Selon leur étude, 83% des parents d’enfants scolarisés se disent inquiets de la consommation d’alcool des jeunes en général. Mais lorsqu’il s’agit de leurs propres enfants, 85% d’entre eux estiment que cette consommation est stable ou a diminué par rapport à la leur au même âge.
« Une génération des excès »
Michel, 46 ans, est papa d'une adolescente de 15 ans. Il sait que sa fille consomme de l'alcool, « parce qu’elle m’en parle », explique-t-il : « Elle a consommé de l’alcool, mais légèrement ; je crois que ça se limite à de la bière ; mais jamais en coma éthylique. J’ai la bêtise de croire qu’elle me dit tout », ajoute-t-il en riant, avant de poursuivre : « Parmi ses amis, il y en a qu’on retrouve avachis sur le trottoir ; en tant que parent c’est un peu préoccupant. Mais je ne sais pas si on peut arriver à faire quelque chose, parce qu’ils font toujours ce qu’ils veulent derrière nous. A leur âge, jamais on n’avait bu une goutte d’alcool, c’était beaucoup plus tard. On était moins dans les excès, en fait ; c’est vraiment une génération des excès ».
Nahed, 15 ans : « Quand je bois, j’abuse, donc je vomis tout le temps »
Nahed, une collégienne de 15 ans, a été pour la première fois ivre à 13 ans. Elle avoue faire des soirées alcoolisées presque tous les week-ends, où elle consomme « de la vodka, avec du RedBull, du Coca, de l’Oasis… C’est à 13-14 ans qu’on sort le plus en soirées ; ça commence comme ça. Avec des flashs, de petites bouteilles, plus accessibles pour notre âge. Je vomis tout le temps, parce que quand je bois, j’abuse. Après, quand j’ai vomi, je me sens mieux. En plus de l’alcool, y’a le cannabis, la coke… Mais généralement, nos parents ne sont pas au courant. Je leur dis que je vais au McDo, un truc comme ça… parce que sinon ils me donneraient plus d’argent de poches et je pourrais plus boire ».
« L’ivresse est valorisée et même banalisée par les parents »
Philippe Batel est alcoologue et chef du service d'addictologie à l'hôpital Beaujon de Clichy dans les Hauts-de-Seine. Quelles nouvelles tendances et modes d'alcoolisation a-t-il remarqué dans son cabinet ? « Auparavant les jeunes faisaient des accidents d’alcoolisation : un incident au cours d’une fête où on calculait mal la quantité suffisante pour être bien. Aujourd’hui, l’ivresse n’est pas accidentelle, mais parfaitement intentionnelle ; elle est foncièrement recherchée par les jeunes, qui vont utiliser l’alcool comme une drogue de défonce.
L’ivresse est valorisée. Mais elle est aussi banalisée par les parents, parce qu’en général ceux qui nous adressent leurs adolescents, ne le font pas pour l’alcool mais pour le cannabis par exemple. Le fait qu’ils rentrent ivres morts tous les samedis n’inquiète absolument pas les parents, voire il y a une certaine fierté de la part du père. Donc il y a une banalisation totale des dangers de l’ivresse, y compris chez les parents ».