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Fraude au pass sanitaire: comment le ministère de la Santé traque les fausses vaccinations

Un QR Code utilisé pour TousAntiCovid Signal, le carnet de rappel numérique

Un QR Code utilisé pour TousAntiCovid Signal, le carnet de rappel numérique - BFMTV

Alors que le pass sanitaire s'apprête à devenir un outil-clé de la stratégie anti-Covid de la France, les systèmes de fraude, organisés parfois par des soignants, inquiètent le gouvernement.

À partir du 21 juillet, le pass sanitaire deviendra un sésame nécessaire pour entrer dans les lieux de culture et de loisirs, puis dans les bars, restaurants ou même les centres commerciaux en août. Il faudra alors présenter un test négatif de moins de 48h, une preuve de vaccination complète ou une attestation d'infection récente au Covid-19 pour entrer dans l'établissement.

Mais depuis plusieurs semaines déjà, de faux certificats de vaccination ou de dépistage circulent dans la population. Des journalistes du Parisien racontent ainsi avoir pu obtenir une vraie attestation de (fausse) vaccination pour 300 euros, auprès de soignants dans un centre de vaccination.

Interrogé par BFMTV sur ces fraudes, le ministère des Solidarités et de la Santé a déclaré "suivre de très près le sujet" et explique avoir "déjà alerté les Agences Régionales de Santé ainsi que les centres de vaccination".

"Tout est mis en œuvre pour prévenir et réprimer ces pratiques frauduleuses", assure-t-on.

"Identifier d’éventuels actes ou mouvements suspects"

Le ministère de la Santé déclare avoir appelé à renforcer la vigilance et "identifier d’éventuels actes ou mouvements suspects". Cela signifie vérifier qu'il y a un bon timing dans les vaccinations, que ça ne prend pas trop de temps, ou encore qu'il n'y a pas de discussions qui s'éternisent, ni de personnes sélectionnées dans la file d'attente pour se rendre dans un box particulier.

C'est ce que racontent les journalistes du quotidien francilien: ils ont été dirigés, une fois dans le centre de vaccination, vers une personne précise, avec laquelle ils avaient été mis préalablement en contact via les réseaux sociaux. On leur avait déjà fait parvenir un faux certificat de contamination passée, ce qui leur a permis de ne demander qu'une seule dose.

En juin, une infirmière de l'hôpital Sainte-Anne avait été suspendue, soupçonnée d'avoir réalisé des certificats vaccinaux à des patients n'ayant pas reçu d'injections.

"Il y avait des personnes qui arrivaient, et elle faisait sortir sa collègue du box. Et ce qui a mis la puce à l'oreille de l'équipe, c'est que ces personnes qui venaient disaient toutes qu'elles avaient déjà eu le Covid et qu'elles ne venaient que pour une seule injection", avait expliqué sur BFMTV Nadine Phan, directrice des soins du GHU (Groupe Hospitalier Universtaire) de Paris.

Les propositions de faux certificats étaient déjà apparues avant l'annonce de l'extension du pass sanitaire, comme avait pu l'observer BFMTV. Début juin, pour 400 euros, une personne proposait à l'une de nos journalistes une fausse vaccination. Elle expliquait qu'il fallait se présenter dans un lieu de vaccination choisi, en disant "que tu as eu le Covid au mois d'octobre, t'as besoin que d'une dose quand t'as déjà eu le Covid". Un complice dans le centre de vaccination ferait ensuite une injection, mais de sérum physiologique.

Difficile d'évaluer l'ampleur du phénomène

Difficile toutefois d'évaluer le nombre réel de personnes faussement vaccinées, car par définition, ces méthodes ont vocation à rester cachées. D'une part, si des propositions circulent sur les réseaux sociaux, beaucoup ressemblent à des arnaques, notamment celles assurant pouvoir donner un QR code à une personne, sans qu'elle ne fasse aucune démarche auprès d'un centre ou de soignants. Ces QR code trafiqués promis seraient très compliqués à réaliser, ils nécessitent en effet une signature électronique très sécurisée, que seule l'Assurance Maladie peut fournir.

Les systèmes de fraude à l'intérieur des centres de vaccination sont d'autre part difficiles à quantifier. L'infirmière licenciée à l'hôpital Sainte-Anne aurait délivré une dizaine de faux certificats par jour, et les soignants fraudeurs rencontrés par les journalistes du Parisien parlent d'un "client" par heure.

Ce système, qui semble rôdé, est évidemment très compliqué à mettre en place, mais par la suite "c'est extrêmement difficile" de détecter un faux vacciné d'un vrai, déclare le médecin Jérôme Marty sur BFMTV. Ils possèdent en effet tous les deux des document officiels. "A priori, le seul moyen de se faire pincer serait que la Sécurité sociale finisse par s’apercevoir que j’ai un pass avec une seule dose, puisque mon faux PCR positif ne figure pas sur mon compte Ameli", explique le journaliste du quotidien francilien.

"En cas de suspicion de fraude, une saisine systématique des autorités judiciaires est demandée", assure le ministère de la Santé. "Une vigilance renforcée est également mise en place au niveau du système d’information VAC-SI", qui permet de suivre la vaccination en France.

"C'est extrêmement grave"

Le meilleur garde-fou face à la généralisation de ces pratiques reste alors le risque encouru pour le soignant en question.

"Le fait de faire un faux certificat quand on est infirmier, quand on est médecin, est extrêmement grave, passible des peines les plus lourdes devant le conseil de l'ordre: interdiction d'exercice, radiation etc... Je ne pense pas que beaucoup de soignants s'amusent à cela", déclare Jérôme Marty, bien que "dans toute crise, il y a toujours eu des profiteurs malheureusement".

Il rappelle la dangerosité de cette méthode, alors que le variant Delta progresse en France et fait craindre une quatrième vague de Covid-19, car le soignant "donne un faux certificat à quelqu'un qui va donc aller dans des lieux en prétendant être vacciné alors qu'il ne l'est pas, et risque de contaminer les personnes qu'il va croiser, c'est extrêmement grave".

"Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. Ces dispositions répriment tant celui qui établit le faux, le professionnel de santé, que celui qui en fait usage, ici le patient", rappelle le ministère de la Santé. Et "le médecin qui signe un faux certificat de vaccination lorsque celle-ci n’a pas été réalisée s’expose à des sanctions pouvant aller jusqu’à la radiation".
Anne Saurat-Dubois, Raphaël Grably, avec Salomé Vincendon