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Face à la circulation du variant au Brésil, faut-il renforcer les contrôles dans les aéroports français?

Selon le ministère des Transports, seulement 50 voyageurs débarquent du Brésil chaque jour à l'aéroport de Roissy (illustration)

Selon le ministère des Transports, seulement 50 voyageurs débarquent du Brésil chaque jour à l'aéroport de Roissy (illustration) - BERTRAND GUAY © 2019 AFP

Si l'entrée sur le territoire français depuis le Brésil est conditionnée à des critères stricts, beaucoup s'interrogent sur la nécessité de rendre l'isolement obligatoire à l'arrivée.

Fortement réduit à cause de la pandémie de coronavirus, le trafic aérien international subsiste malgré tout, en France comme ailleurs. Quid, donc, des vols en provenance du Brésil, où le variant P1 du Covid-19 fait des ravages? Le maintien des lignes aériennes, même à très basse fréquence, entre les grandes métropoles brésiliennes et Paris ne représente-t-il pas un appel d'air pour ce variant, particulièrement résistant aux vaccins?

Documents falsifiés

Invité de LCI ce lundi matin, le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari a d'abord assuré qu'à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, seulement 50 passagers par jour proviennent du Brésil. De son côté, le secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes Clément Beaune a assuré que 1000 personnes en provenance du Brésil arrivent chaque semaine en France.

"Ils viennent après avoir eu un test PCR négatif, ils font parfois un test antigénique à l'arrivée et ils doivent justifier d'un motif impérieux", a précisé Jean-Baptiste Djebarri, cette dernière règle ne s'appliquant pas aux ressortissants ou résidants français.

Problème, il y a d'abord des résultats négatifs falsifiés de test PCR qui circulent, difficilement vérifiables, mais surtout, la quarantaine à l'arrivée n'a aucun caractère obligatoire. Pour l'heure, le Quai d'Orsay se borne à en appeler à la responsabilité des citoyens provenant des pays à risque, comme l'a récemment vérifié Libération.

Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie et membre fondateur du collectif Du côté de la science, a récemment appelé sur Twitter à "appliquer de vraies quarantaines" pour les voyageurs concernés. Même son de cloche du côté de Rémi Salomon, le président de la Commission Médicale d'Etablissement de l'APHP.

Le droit impose le maintien des lignes ouvertes

Pourquoi ne pas tout simplement fermer temporairement ces lignes? Interrogé là-dessus, Jean-Baptiste Djebbari a rappelé que le droit imposait de les maintenir ouvertes malgré le risque encouru.

"Le Conseil d'État nous a dit que les ressortissants français et les résidents en France, au nom de la liberté de circulation, devaient pouvoir continuer à venir, ce qui n'a pas été fait par exemple au Portugal ou dans d'autres pays", a-t-il expliqué.

Et le ministre des Transports d'en tirer comme conclusion qu'il fallait impérativement développer un "pass sanitaire" pour les vols longs-courriers. Ainsi, affirme-t-il, il serait possible "d'avoir des documents qui sont infalcifiables, parce qu'effectivement, prolifèrent sur Internet (...) des gens qui sont totalement irresponsables (et qui) vendent" de faux résultats de test PCR.

Imposer une quarantaine

Auprès de L'Express, le virologue Vincent Maréchal a expliqué dimanche que "demander simplement un test peut ne pas suffire". D'après lui, l'isolement devrait "être obligatoire avant que le variant ne fasse tache d'huile".

"La circulation des virus devrait se calmer jusqu'à l'été. Ce sera ensuite le moment pour prendre des décisions pour limiter les réintroductions de variants. Ce serait dramatique que certains qui échappent à la vaccination apparaissent sur le territoire", poursuit-il. 

Également dans L'Express, le virologue Bruno Lina, du CHU de Lyon et membre du Conseil scientifique de l'exécutif, qualifie le Brésil de "source infectieuse qu'il faudrait essayer de tarir". Un objectif difficile à atteindre lorsque d'une part, les contrôles via test antigénique sont effectués de façon aléatoire à l'arrivée en France, et d'autre part les quarantaines ne sont pas surveillées. Elles le sont par exemple en Australie, dont l'insularité permet à ses gouvernants d'appliquer une stratégie "zéro Covid".

Hécatombe brésilienne

Le Brésil, lui, vit aujourd'hui une hécatombe. Les Brésiliens de moins de 40 ans contaminés par le coronavirus en soins intensifs, désormais au nombre de plus de 11.000, sont devenus majoritaires (52,2%) au mois de mars, selon une étude de l'Association brésilienne des soins intensifs (AMIB). Ils n'étaient que 14,6% au début de la pandémie il y a un an, puis 45% entre septembre et février.

"Cette population ne contractait auparavant qu'une forme moins grave de la maladie et n'avait pas besoin de soins intensifs", a expliqué le coordinateur de l'étude, le Dr Ederlon Rezende. "Une telle hausse pour ce groupe d'âge est très significative".

Il y a plusieurs explications derrière cette hausse. D'abord, les personnes de plus de 80 ans - qui ne constituent plus que 7,8% des personnes en soins intensifs souffrant du Covid-19 - sont désormais pour la plupart vaccinées. En outre, les personnes plus jeunes s'exposent davantage, soit parce qu'elles doivent travailler, soit parce qu'elles se croient moins vulnérables. Enfin, le variant P1 est selon les experts la principale cause de la hausse spectaculaire du nombre des morts au mois de mars.

Autre chiffre alarmant, le nombre de patients atteints du Covid-19 qui se retrouvent en soins intensifs sans avoir eu d'autres maladies. Il a atteint en mars près d'un tiers du total (30,3%) selon l'AMIB, tandis que le nombre des malades du Covid-19 en réanimation a atteint le pourcentage record de 58,1%. Le Brésil a enregistré 66.500 morts dues au Covid-19 au mois de mars, soit plus du double que le précédent record de juillet 2020. 

Par Jules Pecnard avec AFP