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Covid-19: pourquoi le fait de vacciner dans les Ehpad en priorité ne fait pas l'unanimité

Des vaccins en cours de fabrication dans un laboratoire pharmaceutique de Saint-Amand-les-Eaux, en France

Des vaccins en cours de fabrication dans un laboratoire pharmaceutique de Saint-Amand-les-Eaux, en France - François Lo Presti - AFP

Si les résidents d'Ehpad et les patient à risque seront vaccinés dans les semaines à venir, plusieurs questions se posent sur l'immunisation des super-propagateurs, qui ralentirait drastiquement l'avancée de la pandémie.

Le lancement de la vaccination en France n'a jamais été aussi proche. Depuis maintenant plusieurs semaines, les autorités sanitaires travaillent à un plan qui se déroulera en trois étapes et qui devrait débuter dès le mois de janvier par la vaccination d'un million de résidents d'Ehpad et autres établissements spécialisés.

Comme l'a confirmé Jean Castex lors d'une conférence de presse donnée jeudi dernier, c'est en mars que la deuxième phase se mettra en marche pour les personnes de plus de 75 ans, mais aussi pour la tranche 64-75 ans, présentant des graves comorbidités. Les professionnels de la santé seront également concernés par cette nouvelle étape.

Finalement, la vaccination devrait être ouverte au reste de la population pour le printemps 2021.

Eviter les cas les plus graves

À mesure qu'approche cette première échéance, de nombreuses questions se posent encore. Sur l'efficacité du vaccin, qui doit encore être validée par des publications scientifiques, mais aussi sur qui vacciner et quand.

Invitée ce lundi matin sur notre antenne, l'infectiologue Odile Launay rappelle que si la protection contre la contamination n'est pas encore démontrée par la vaccination, celle-ci devrait toutefois "protéger des formes symptomatiques et graves" du coronavirus.

De fait, il semble logique que les personnes les plus à risques soient immunisées en premier lieu. "Le choix des Ephad a été fait car ce sont eux qui ont payé le plus lourd tribut en terme de mortalité, le virus a circulé de façon très intense et cela continue même si c'est inégal. [...] Ensuite, on va élargir aux autres personnes très à risque", a-t-elle détaillé.

Dans sa réflexion, Odile Launay est rejointe par Serge Gilberg, médecin généraliste, vice-président du Collège de la médecine générale et expert en vaccination.

"La question c'est de hiérarchiser l'accès à la vaccination en fonction des doses et des risques. Pendant la première vague, on a vu que les personnes au plus lourd fardeau étaient les plus âgées et en institutions. Il est légitime de leur proposer en premier la vaccination pour éviter ces morts dues au Covid et pour aussi essayer de revivre normalement", juge-t-il.

Qui vacciner et quand?

Cette stratégie a aussi ses détracteurs. Si les personnes âgées sont les plus touchées par la forme grave de la maladie, elles semblent également les moins enclines à diffuser la maladie.

En cause, l'isolement de ces dernières, de plus en plus fort depuis le début de la pandémie. Selon un rapport gouvernemental du 23 mars dernier, 720.000 personnes âgées n'ont eu aucun contact avec leur famille durant le premier confinement. A ces chiffres, il faut rajouter les conclusions d'une enquête de 2017 de l'association Petits frères des pauvres qui soulignait qu'en temps normal "22 % des personnes de plus de 60 ans sont isolées du cercle familial, 28 % du cercle amical".

Pour limiter la propagation de l'épidémie, plusieurs voix s'élèvent afin de vacciner dans un premier temps les personnes susceptibles de contaminer le plus grand nombre, de par leurs déplacements, vie personnelle ou privée, avant de s'occuper des personnes jugées à risques.

Comprendre ce qu'est une "super-propagation"

C'est ce que préconise l'épidémiologiste Alessandro Vespignani, qui a récemment travaillé en collaboration avec les autorités sanitaires américaines.

"Super-propagation est un mot que beaucoup de gens associent à l'idée que, pour une raison biologique inconnue, vous propagez davantage la maladie. Ce n'est pas ça. En général, c'est parce que vous avez plus de contacts et que vous vous rendez dans des endroits qui favorisent la diffusion", estime ce dernier dans les colonnes du média Wired.

Dès le début de la pandémie en Europe, l'accent avait d'ailleurs été mis sur ces super-propagateurs, également appelés super-spreaders. En France par exemple, en février, un homme d'affaires britannique était à l'origine d'une dizaine de contagions en Haute-Savoie. Avant d'en contaminer cinq autres à son retour en Grande-Bretagne.

Comment identifier les super-propagateurs?

Le problème: c'est qu'il est encore extrêmement difficile d'identifier ces potentiels super-propagateurs. A l'échelle des États-Unis, explique Wired, il faudrait, pour chaque citoyen, une carte détaillée des déplacements, des amis, de la famille... des données qui n'existent pas à l'heure actuelle. Et dont l'obtention soulèverait elle-même de nouvelles problématiques légales et éthiques.

Pour en revenir à la situation européenne, la situation reste ambivalente. En France, si les personnes les plus à risques ont été privilégiées par les autorités sanitaires, c'est également pour une raison logistique. A l'heure actuelle, le stock de vaccins commandé ne permet d'immuniser qu'une part de la population, et non pas de cibler les éventuels super-propagateurs.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV