Contraception et fin de vie: polémique sur un projet de clause de conscience des pharmaciens

L'introduction d'une clause de conscience dans le code de déontologie des pharmaciens inquiète sur l'accès à la contraception - AFP
Une clause de conscience, les pharmaciens n'en ont pas pour le moment. Un code de déontologie datant de 1995 régit les activités des spécialistes dans les officines. Mais travaillant à une refonte de ce code, et après une consultation en ligne de la profession, l'Ordre national des pharmaciens envisagerait d'introduire une clause de conscience. 85% des près de 4.000 pharmaciens répondants sur 75.000 sollicités ont dit "oui" à l'introduction d'une telle clause.
Mais l'article R. 4235-18 du code remanié a suscité une vive polémique:
"Sans préjudice du droit des patients à l’accès ou à la continuité des soins, le pharmacien peut refuser d’effectuer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine. Il doit alors informer le patient et tout mettre en œuvre pour s’assurer que celui-ci sera pris en charge sans délai par un autre pharmacien. Si tel n’est pas le cas, le pharmacien est tenu d’accomplir l’acte pharmaceutique".
Comme le souligne Le moniteur des pharmacies, qui cite Isabelle Adenot, la présidente de l'Ordre, "aucune majorité significative ne s'est dégagée au sein de l'Ordre" au sujet de cet article.
Méfiances de la ministre
Une telle clause justifierait donc le refus d'un pharmacien de vendre un produit. La ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, s'est inquiétée ce mardi sur Twitter de la menace que pourrait causer ce texte sur l'accès à la contraception et à l'IVG.
Dans un communiqué, la ministre fait part de son "étonnement" après la découverte de la "consultation interne [à l'Ordre des pharmaciens] visant à recueillir l'avis de la profession sur l'introduction d'une clause de conscience".
"Si cette consultation était suivie d'effet, elle ouvrirait clairement la possibilité pour des pharmaciens de refuser de délivrer la contraception d'urgence (pilule du lendemain), la pilule, le stérilet ou même le préservatif".
Dans la foulée, le Planning familial a appelé à se mobiliser contre cette clause de conscience, pour que "l'Ordre des pharmaciens assure aux femmes leur autonomie et leur liberté de choisir leur contraception". La pétition "Nous refusons la clause de conscience pour le pharmacien" recueillait mardi près de 7.000 soutiens.
Un article sur la fin de vie selon l'Ordre
Laurence Rossignol a appelé l'Ordre des pharmaciens à "clarifier l'objet de cette consultation et de réaffirmer l'attachement de l'Ordre à assurer aux femmes leur autonomie".
En réponse, Isabelle Adenot, la présidente de l'Ordre a assuré :
"Les débats qui se sont déroulés au sein de l’Ordre sur cet article n’ont jamais porté sur la contraception mais sur la fin de vie, situation souvent très délicate à gérer par les pharmaciens de ville et d’hôpital".
Dans ce communiqué, elle se défend face aux soupçons de la ministre des Droits des femmes :
"Ces propos non documentés de la Ministre sont consternants à ce niveau de responsabilité de l’Etat et créent un climat de désinformation très préjudiciable pour les patients et le public (...) La Présidente de l’Ordre et la femme que je suis, est très attachée aux droits des femmes trop souvent chèrement acquis".
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a quant à elle exprimé à l'AFP "sa pleine confiance" en Isabelle Adenot "pour que le droit à la contraception d’urgence et à l’IVG ne soit aucunement remis en cause".
Déjà des réticences chez certains pharmaciens
Si l'Ordre des pharmaciens répète son attachement aux droits des femmes, certains de ces professionnels de santé montrent des réticences à donner un contraceptif d'urgence voire une pilule à leurs clientes. En avril dernier, ce reportage de L'Autre JT diffusé sur France 4 montrait les discours de certains pharmaciens au moment de donner une pilule du lendemain.
Dans ce reportage apparaissait un pharmacien de Gironde, refusant de vendre tout contraceptif, même des préservatifs. Evoquant un problème de "conscience", il a été suspendu par la Chambre disciplinaire de l'Ordre des pharmaciens en mars dernier.
Comme le relève Slate, l'association Objection, proche de réseaux catholiques militant contre l'IVG, se félicite de l'introduction de cette clause.
L'article n'est pas encore intégré dans le nouveau code de déontologie des pharmaciens. Le Moniteur des pharmacies explique que le conseil national doit se réunir en septembre "pour la délibération finale". Le vote est ouvert jusqu'au 31 août aux pharmaciens. Enfin, si cet article est adopté, il sera soumis à la validation du ministère de la Santé.