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Brûlures rapides, mutations de l'ADN: pourquoi les enfants ne doivent pas être exposés au soleil avant 3 ans

Un enfant sur une plage de Banda Aceh, en Indonésie, en avril 2022 (photo d'illustration)

Un enfant sur une plage de Banda Aceh, en Indonésie, en avril 2022 (photo d'illustration) - CHAIDEER MAHYUDDIN / AFP

Même sous un parasol ou avec de la crème solaire, pas de soleil avant 3 ans. Et jusqu'à la puberté, médecins et chercheurs rappellent l'importance que les enfants et les adolescents portent vêtements anti-UV, chapeau et lunettes de soleil.

C'est l'été, il fait beau et la tentation est grande pendant les vacances de passer la journée dehors, que l'on soit à la plage, au bord de la piscine ou à la montagne. Mais pour les plus jeunes, la prudence est de mise. Car comme pour les écrans, les spécialistes s'accordent sur cette recommandation: pas d'exposition au soleil avant 3 ans.

"Jusqu'à l'âge de 3 ans, il ne faut pas du tout exposer les enfants au soleil", insiste pour BFMTV.com la dermatologue et vénérologue Catherine Olivérès-Ghouti. "Et après 3 ans puis jusqu'à la puberté, c'est avec beaucoup de modération et surtout avec protections."

Qu'est ce que les indices UV?
Qu'est ce que les indices UV?
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Car les enfants sont beaucoup plus sensibles au soleil, qui émet de la lumière, de la chaleur mais surtout des rayons ultraviolets (UV). Si les UVC - les plus nocifs - sont intégralement filtrés par l'atmosphère de la Terre et n'atteignent pas la surface, ce n'est pas le cas des UVA et des UVB, comme le rappelle l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Ces deux derniers sont responsables du vieillissement de la peau, peuvent causer des brûlures et provoquent à long terme des cancers cutanés, mélanomes - le plus dangereux avec une forte propension à faire des métastases - et carcinomes. L'OMS l'affirme: les rayons UV causent plus de 80% de cancers de la peau dans le monde.

"Un coup de soleil sur un enfant, c'est beaucoup plus grave que sur un adulte", explique à BFMTV.com Virginie Prod'homme, chercheuse à l'Inserm, spécialiste des risques de cancers.

"Les enfants brûlent plus et plus rapidement."

"Ça peut finir par un cancer à l'âge adulte"

Pour comprendre pourquoi la peau des enfants est plus sensible aux rayons ultraviolets, une courte explication scientifique s'impose. La peau est constituée de kératinocytes - les cellules du derme, la couche superficielle. Avec les UV, les kératinocytes se multiplient, ce qui rend la peau plus épaisse et moins perméable aux rayonnements.

Les UV stimulent également la production de mélanocytes - ce sont les cellules de la peau responsables de la pigmentation. Les mélanocytes sécrètent ainsi de la mélanine, c'est le principe du bronzage, une barrière qui absorbe et protège la peau du rayonnement.

Mais comme le pointe Santé publique France, le bronzage n'est pas bon pour la santé. "Le bronzage est une réaction de protection de la peau contre les dommages causés par les rayons ultraviolets (...). Une peau bronzée indique que les cellules de la peau sont endommagées."

"Or, les enfants sécrètent très peu de mélanine", met en garde Virginie Prod'homme. "Ils ont donc zéro filtre, ni par une peau plus épaisse grâce aux kératinocytes, ni par les mélanocytes."

Il faut également préciser que les UV créent un stress pour les cellules de la peau, ce qui engendre des mutations de l'ADN. "Toutes ces mutations vont s'accumuler au cours de la vie", détaille Virginie Prod'homme, chargée de recherche au Centre méditerranéen de médecine moléculaire à l'Université Côte-d'Azur. "Ça peut finir par un cancer de la peau à l'âge adulte."

"Accumuler des mutations de l'ADN très jeune, dès les premières années de vie, c'est multiplier les risques."

L'OMS alerte d'ailleurs sur le sujet: "une exposition excessive au soleil chez les enfants et les adolescents contribue à la survenue d'un cancer de la peau à l'âge adulte".

Le capital soleil limité

Car le potentiel de résistance au soleil - qui varie d'un individu à l'autre, notamment en fonction de la carnation - est acquis dès la naissance. C'est ce qu'on appelle le capital soleil, un capital qui ne se renouvelle pas. "À partir du moment où un adulte ne bronze plus, c'est que son capital soleil est atteint", poursuit la chercheuse Virginie Prod'homme.

"Un enfant exposé au soleil dès son plus jeune âge commence à égrener son capital soleil."

En plus de l'exposition au soleil, l'intensité des UV est également à prendre en compte. En France métropolitaine, le rayonnement solaire est le plus fort entre les mois de mai et d'août. En particulier pendant les deux heures qui précèdent et suivent le midi solaire. Soit aux alentours de 14 heures, période durant laquelle les rayons du soleil frappent le plus directement le sol. En revanche, en début de matinée ou en fin d'après-midi, ces rayons sont davantage absorbés par l'atmosphère.

Attention également en cas de séjour à la montagne: plus l'altitude augmente, moins il y a d'atmosphère pour absorber le rayonnement UV. Il est communément admis que tous les 1.000 mètres de dénivelé, l'intensité des UV augmente de 10%.

Par ailleurs, il faut se méfier des nuages. "Un ciel voilé ne dispense pas de protection", maintient Virginie Prod'homme. Car un ciel voilé n'empêche pas les UV de traverser. Des nuages légers ou fins peuvent même renforcer l'intensité des UV.

Et s'imaginer que les enfants sont protégés à l'ombre, en extérieur, est une erreur. Par une journée où l'intensité des UV est élevée, même en restant à l'ombre - par exemple entre deux bâtiments - il est possible, notamment pour les enfants à la peau claire, les plus sensibles - de prendre un coup de soleil.

Vêtements couvrants, chapeau et lunettes de soleil

Car de nombreuses surfaces réfléchissent les UV. Si l'herbe, le sol ou l'eau réfléchissent moins de 10% des UV, le sable en réfléchit 15% et l'écume de la mer 25%. C'est encore pire avec la neige qui double l'exposition aux UV. L'ombre d'un parasol paraît donc bien insuffisante.

"Aux heures les plus chaudes (soit de midi à 16 heures, NDLR), il faut à tout prix privilégier l'ombre sous un toit en dur pour les enfants", exhorte Catherine Olivérès-Ghouti, également membre du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues.

Pour cette médecin, les vêtements amples et couvrants, le chapeau à larges bords pour protéger la nuque et les lunettes de soleil sont incontournables, en particulier pour les plus petits et même s'ils se trouvent à l'ombre, avec de la crème solaire sur les parties du corps non couvertes.

Car pour les yeux, le cristallin - transparent pendant l'enfance et l'adolescence - ne jouer pas son rôle de barrière naturelle contre les UV, prévient le site 1000 premiers jours. "Pour les yeux, des lésions graves peuvent apparaître à court terme comme une ophtalmie (un 'coup de soleil' de l'œil), ou à plus long terme, comme la cataracte ou les dégénérescences de la rétine."

L'Assurance maladie préconise ainsi des lunettes qui portent le marquage CE (une norme qui exige des verres UV 400 qui filtrent 100% des UV) et conseille de vérifier les catégories de protection (la catégorie 0 ne protège pas des UV solaires, les catégories 1 et 2 sont adaptées aux luminosités solaires atténuées et moyennes, seules les catégories 3 ou 4 sont adaptées aux fortes luminosités à la mer ou en montagne). Attention, car des verres transparents bien traités peuvent filtrer 100% des UV et des verres sombres ne pas protéger.

"La crème solaire ne remplace pas le tee-shirt anti-UV"

Quant à la crème solaire, pas moins d'un FPS (facteur de protection solaire) 50 contenant une protection contre les UVA et B, de la crème à appliquer vingt minutes avant l'exposition, renouveler toutes les deux heures et après chaque baignade, recommande Catherine Olivérès-Ghouti. Le ministère de la Santé insiste: l'application de crème solaire ne permet de s'exposer plus longtemps au soleil.

Mais la dermatologue et vénérologue rappelle que la crème solaire seule reste "une protection inefficace à midi en plein soleil". Sa protection est d'ailleurs calculée pour 2mg de crème par cm2 de peau. "C'est l'équivalent d'une balle de golf pour chaque application et un tube de crème par jour. En pratique, on en est loin."

"La crème solaire ne remplace pas le tee-shirt anti-UV", persiste également la chercheuse Virginie Prod'homme.

Le nombre de cancers de la peau a plus que triplé entre 1990 et 2023, selon les données de Santé publique France. Chaque année, entre 141.200 et 243.500 cas de ces cancers sont diagnostiqués. Quelque 1975 personnes en sont mortes en 2018.

"Il est pourtant facile de s'en protéger", implore encore Catherine Olivérès-Ghouti. "Il suffit d'adopter les bons gestes dès le plus jeune âge et de les conserver toute la vie."

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV