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Travail, transports, frontières: les pistes du gouvernement pour l'après-11 mai

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Ce mercredi, les membres du gouvernement remettent à Matignon et à Jean Castex, haut fonctionnaire en charge du plan de déconfinement, leurs pistes pour cette période délicate. BFMTV vous dévoile les axes étudiés par les différents ministères.

Le 11 mai. La date est dans toutes les têtes. C'est le moment fixé par Emmanuel Macron, dans une allocution solennelle aux Français, comme début potentiel de la fin du confinement tel qu'on le connaît aujourd'hui dans la lutte contre le coronavirus. Mais ce chantier s'annonce aussi délicat que massif: il s'agit de faire revenir des enfants à l'école, de relancer différents secteurs de l'économie et de s'assurer que tout cela soit faisable dans des conditions sanitaires acceptables. 

Ce mercredi, les ministres doivent remettre leurs conclusions, chacun dans son domaine, au chef du gouvernement ainsi qu'à Jean Castex, haut fonctionnaire en charge de coordonner la sortie progressive du confinement. Sur cette base, à partir du 6 mai, les grandes orientations doivent être présentées en Conseil des ministres, après une présentation de ce plan à la fin avril. 

> La Santé, "ministère du déconfinement"

Si tous les ministres sont mobilisés sur cette question, certains "ont plus la pression que d'autres", fait-on savoir. Parmi les gros chantiers de ces prochaines semaines: le déconfinement dans les écoles, pour Jean-Michel Blanquer, la reprise du travail et la relance économique, pour Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire, ou encore la bonne marche des transports publics, pour Jean-Baptiste Djebbari. De son côté, Olivier Véran garde un oeil sur tous les sujets. "On est vraiment le ministère du déconfinement", précise l'entourage du ministre de la Santé. "Tous les sujets sont vus par le prisme du sanitaire et passent par nous". 

Le ministre de l'Education nationale a déjà donné des pistes ce mardi, avec l'annonce d'un plan sur trois semaines et un retour progressif en fonction du niveau, en élémentaire, au collège ou au lycée. Mais BFMTV vous dévoile les pistes envisagées dans les autres ministères concernés. 

> La reprise du travail

Cinq semaines après le début du confinement, un salarié sur deux dans le privé se trouve au chômage partiel. Le chantier de la reprise du travail est géré conjointement par Bruno Le Maire et Muriel Pénicaud. L'objectif est là de s'assurer de la réouverture des commerces et que les mesures barrières soient bien respectées. 

Des cahiers des charges sont mis à disposition des entreprises pour que la reprise se fasse dans de bonnes conditions. Ce sont des guides pour aider les fédérations et les branches à reprendre le travail, précise Bercy. En dehors des lieux accueillant un public nombreux, comme les cafés ou les restaurants, tous les commerces pourront rouvrir le 11 mai selon les recommandations des ministres, mais il faudra qu'ils aient mis en place des mesures pour protéger les salariés et les clients. 

Du côté du secrétaire d'Etat Laurent Pietrazewski, on a fait dès le début du confinement une offre de service pour mettre en place les guides de bonnes pratiques pour les entreprises et les commerces à l'heure du confinement. Cette fois, il s'agit de les accompagner pour qu'ils mettent en place concrètement cette reprise en toute sécurité (équipements spécifiques, règles d'organisation, dialogue social au sein des entreprises).

L'enjeu est fort également dans le secteur du tourisme, sous la houlette de Jean-Baptiste Lemoyne. Là, la priorité est à l'aide, en coopération avec Bercy, à la filière déjà très touchée et qui continuera à l'être dans les mois à venir, avec l'effondrement du tourisme étranger.

Dans la foulée, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin devront quant à eux devoir s'occuper des secteurs qui ne pourront pas rouvrir, comme la restauration ou l'hôtellerie.

> Les transports 

Dans ce secteur, Jean-Baptiste Djebbari doit remettre ses propositions au Premier ministre aux alentours du 29 avril et travaille notamment sur les propositions de la région Ile-de-France. Ces idées ouvrent entre autres la possibilité de rendre le port du masque obligatoire, de donner aux agents la capacité à verbaliser ceux qui ne s'y tiendraient pas, ou encore la poursuite du télétravail, la mise en place des horaires décalés pour réguler les flux ou enfin des marquages au sol pour favoriser la distanciation sociale. Le ministère prévoit aussi de travailler sur les procédures de nettoyage ou l'aération des lieux confinés. 

Concernant le transport ferroviaire, la SNCF travaille à un doublement de l’offre: 15% de TGV et 20% des TER à partir du 11 mai. La SNCF a bloqué depuis plusieurs semaines les réservations pour ne jamais avoir plus d’un siège sur deux occupé. Autre hypothèse envisagée: après le 11 mai, le ministère de Transports pourrait réguler le nombre de personnes dans les trains via les réservations.

Pour l’aérien, le gouvernement pense augmenter le trafic. Aujourd'hui, seul 2% du trafic est assuré par Air France. Il est par exemple envisagé d'effectuer deux vols Paris-Marseille contre un aujourd’hui. Concernant la réouverture d’Orly, il n’est pas certain que l’aéroport puisse rouvrir le 11 mai.

> L'agriculture

L'agriculture est un secteur qui a fonctionné correctement pendant le confinement, même s'il existe des points d'alarme: 20% du secteur de l'agroalimentaire est à l'arrêt, certaines filières dépendent beaucoup de la restauration, et il a pu y avoir un manque de main d'oeuvre. 

C'est là que se situe la principale inquiétude à présent. "A cette heure, 280.000 personnes sont inscrites sur le site mobilisationemploi.gouv.fr", indique le cabinet du ministre Didier Guillaume, qui compte sur la mobilisation des personnes en chômage partiel, ouvriers du BTP, étudiants, pour aider dans les secteurs prioritaires. "Si les cafés et restaurants restent fermés jusqu'en juillet, on devrait avoir assez de main d'oeuvre pour les récoltes de fruits. Mais faudra-t-il aller chercher de la main d'oeuvre à l'étranger, comme l'Allemagne qui fait venir des travailleurs de Roumanie?", s'interroge-t-on au ministère.

Certaines filières, comme la pêche, le vin ou les fromages, sont scrutées de près car leurs principales débouchées sont dans la restauration. "On va devoir accompagner ces filières", explique-t-on. Dans chaque secteur, une cellule rebond est mise en place pour réfléchir à la suite, l'après crise. 

La question des marchés est également sur la table. 35% ont rouvert aujourd’hui. L'objectif est de tous pouvoir les rouvrir. Des guides des bonnes pratiques en la matière ont été publiés avec la fédération des marchés.

> L’approvisionnement en masques, gels, respirateurs

Sur cet épineux dossier, c'est C’est Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, qui a la main. L'approvisionnement en masques, gels et respirateurs a été parmi les sujets polémiques ces dernières semaines, de ceux qui ont pu mettre en difficulté l'exécutif. 

Selon son cabinet, les masques représentent le plus gros sujet. "Nous souhaitons renforcer la production nationale de masques FFP2 et chirurgicaux", explique-t-on. Mais "seuls quatre pays européens en produisent encore". En janvier, la production était de quinze millions de masques par mois. "En avril, on sera à plus de 40 millions, on a quasiment triplé", se félicite-t-on à Bercy. "Nous allons continuer à développer la production avec de nouveaux acteurs". 

Mais dans son allocution, Emmanuel Macron a également évoqué un masque "grand public" pour tous les Français. Le ministère pousse donc également pour développer des masques en tissus, lavables, dits grand public. "Si on produit quinze millions de masques par semaine, lavables 20 fois, c’est comme si on produisait 300 millions de masques à usage unique", calcule l'entourage de la ministre. "On a besoin d'équiper quasiment l'ensemble de la population (...) la demande sociale est très forte, liée notamment aux nombreuses inconnues sur le virus".

Après après la fabrication, il faudra distribuer ces masques. Autre chantier compliqué. Pour cela, une réflexion est en cours. Plusieurs canaux de distribution sont envisagés pour les rendre accessibles à tous les publics: pharmacies pour les malades, dans les Ehpad, les transports... Les différentes solutions seront tranchées selon l’évolution de la doctrine sanitaire.

Pour le gel hydroalcoolique, l'inquiétude est moins forte. On produit aujourd'hui en France 550.000 litres de gel par jour, contre 50.000 avant la crise. "On a multiplié par dix, voire onze", explique-t-on au ministère. Et pour les aspirateurs, l'entreprise Air Liquide a lancé il y a trois semaines la fabrication de 10.000 respirateurs. "En fin de semaine, on célébrera le 1000ème respirateur".

> Les frontières 

Sur les frontières de l'espace Schengen, le ministère des Affaires étrangères fait savoir que "le sujet est européen. "On ne décide pas seuls, mais la question est de savoir jusqu'à quand elles resteront fermées". Mais cela laisse en suspens la question des frontières à l'intérieur de cet espace, et notamment celle des échanges transfrontaliers. Que faire de la frontière avec l'Espagne ou l'Italie? Ces sujets ne sont pas tranchés, et le ministère de l'Intérieur doit aussi donner son avis dans un sujet interministériel. 

Sur les autres sujets, à la demande du Premier ministre et de Jean Castex, le Quai d'Orsay effectue une étude comparative du déconfinement, pour évaluer ce que font les autres pays du monde. "C'est aussi une démarche d'humilité, s'inspirer des expériences des autres pays pour réussir notre déconfinement", veut-on croire au ministère. 

> Violences faites aux femmes

La secrétaire d’Etat réfléchit à la continuité des dispositifs mis en oeuvre pendant le confinement, pour l'après-11 mai. Dans l'entourage de Marlène Schiappa, on a une crainte: que ce moment puisse faire exploser les violences. "Le déconfinement est un moment clé pour notre portefeuille: dans les violences faites aux femmes, la séparation est souvent le moment déclencheur. Il faut donc gérer la question de la décompensation, et rester très vigilants", explique-t-on. "Il y a une explosion des violences conjugales, il faut donc maintenant regarder comment on gère la transition, et quels dispositifs on maintient dans la période de l'après-11 mai.". 

> Le rôle de la réserve citoyenne 

Le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, Gabriel Attal, mise quant à lui sur la réserve sanitaire pour jouer un rôle important dans le déconfinement. "Il va y avoir besoin de monde pour gérer ce déconfinement", explique-t-il. Par exemple, il y aura besoin de bras pour s'occuper de la distribution des repas pour les personnes en quarantaine, ou pour aider à la campagne massive de tests de dépistage. 

Si on suit l'exemple espagnol, une autre possibilité et d'avoir recours à des volontaires pour distribuer des masques dans les transports en commun. Parmi cette réserve sanitaire, 300.000 personnes sont mobilisées pendant le confinement.

Jérémy Brossard, Gaétane Meslin, Benjamin Duhamel et Élisa Bertholomey, avec Ivan Valerio