Plongée dans le système Guérini

Les soupçons de clientélisme et de fraudes aux marchés publics n'empêchent pas Jean-Noël Guérini d'être le deuxième homme fort de Marseille. - Anne-Christine Poujoulat - AFP
Jean-Noël Guérini est revenu à la une de l'actualité judiciaire lundi, après que six mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité ont été requis contre lui lundi. Il est jugé pour détournement de fonds publics, une affaire secondaire au regard de ses autres dossiers judiciaires. En effet, ses casseroles sont nombreuses, mais il s'agissait de sa première comparution devant la justice.
Ses ennuis judiciaires ne l'ont pourtant pas empêché de se faire réélire sénateur fin septembre. Il a même réussi à faire entrer deux de ses proches à la Haute Assemblée, contre un seul pour le PS, parti qu'il a quitté devançant son exclusion en avril dernier.
Jean-Noël Guérini est devenu le deuxième homme fort de la cité phocéenne, juste après le maire UMP Jean-Claude Gaudin. Enquête sur le système Guérini.
"Charme, achat et menaces"
Jean-Noël Guérini sait se faire aimer. Il sait se faire aimer des habitants du quartier marseillais du Panier où sa famille a débarqué de Corse dans les années 1950. L'un d'eux explique à BFMTV: "Personne ici ne peut dire qu’il n’a pas été aidé par Jean-Noël Guérini".
Mais pour aider ses administrés, le sénateur aurait des méthodes différentes de ses collègues. Renaud Muselier, auteur du Système Guérini parle de la méthode "charme, achat et menaces". "Charme parce qu'il ne manque pas d'intelligence et de savoir-faire, c'est un Corse qui a la politique dans le sang. Je parle d'achat parce qu'il a des moyens financiers conséquents et quand l’achat ne suffit pas, il engage une autre mécanique tout aussi efficace: la menace", assure l'eurodéputé UMP.
"On me donne 2, 3 voire 4 millions par an"
Les aides aux communes alloués par le Conseil général sont passées de 90 millions d'euros en 2009 à 140 millions en 2014. Une générosité en période de crise qui permet aux petites communes de se payer des routes toute neuves, des équipements municipaux, des ronds-points voire des hôtels de ville démesurés.
Un maire de sensibilité de droite explique à BFMTV pourquoi il avait voté lors des sénatoriales pour Jean-Noël Guérini, pourtant de gauche. "C’est le choix pour remercier un président qui nous aide, qui aide toutes les communes des Bouches-du-Rhône. (…) C’est un renvoi d’ascenseur. Jean-Claude Gaudin, qui est sénateur, ne m’apporte rien. Le député m’apporte sur sa réserve parlementaire 2.000 euros par an. Et à côté de ça, on me donne 2, 3 voire 4 millions par an. Y’a pas photo quoi".
"Une hydre à deux têtes"
En plus des accusations de clientélisme, Jean-Noël Guérini est soupçonné d’avoir fait octroyer frauduleusement des marchés publics à son frère, Alexandre, entrepreneur dans la gestion des déchets. "C'est une hydre à deux têtes moi je pense. Alexandre et Jean-Noël, c'est un binôme. On s’aperçoit que la carrière politique de Jean-Noël Guérini et la carrière dans le monde de l’entreprise d'Alexandre croissent en même temps. Chaque fois que Jean-Noël monte, Alexandre monte", explique Jean-Michel Verne, journaliste, auteur de Main basse sur Marseille et la Corse.
Ainsi depuis 2009, les ennuis s’accumulent pour Jean-Noël Guérini et son frère. Mise en examen pour association de malfaiteurs, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts… Pour la défense de Jean-Noël Guérini, il n'existe pas de système mafieux. Elle évoque quand même à demi-mots des pratiques un peu en dehors des clous. "La vie politique et la vie des affaires qu’elle induit n’est pas aussi simple qu’on peut l’imaginer en feuilletant le Code Pénal", explique à BFMTV Dominique Mattei, avocat de Jean-Noël Guérini.
En attendant, la marche de la justice, Jean-Noël Guérini poursuit son action politique sans embûche. "Il y a encore une immense majorité de conseillers généraux socialistes qui soutiennent le multi-mis en examen", regrette le socialiste Pierre Orsatelli.