Pourquoi 400 députés ont reçu une lettre les incitant à "démontrer" leur genre devant la justice

Des députés à l'Assemblée nationale le 25 octobre 2024 - JULIEN DE ROSA / AFP
Un courrier à en-tête du tribunal judiciaire de Paris. Les députés ont reçu par La Poste ce mardi 12 novembre une fausse lettre de convocation devant la Justice ressemblant en tout point à celle obtenue par les personnes qui souhaitent changer d'état civil.
L'opération menée par l'association Toutes des femmes cherche à mettre la pression sur les élus appelés à co-signer une proposition de loi pour faciliter le changement de genre portée par la gauche.
"On veut faire comprendre à quel point la procédure judiciaire peut être humiliante et montrer aux députés qu'ils ont les outils pour changer la situation", explique la présidente de l'association Maud Royer auprès de BFMTV.com.
Un texte basé sur une simple déclaration en mairie pour changer d'état civil
Une proposition de loi visant à déjudiciariser le changement de sexe à l'état civil avait déjà été déposée au Sénat par la sénatrice écologiste Mélanie Vogel en avril dernier.
Le texte proposait de remplacer la procédure qui existe aujourd’hui pour changer de sexe sur ses papiers d’identité par une simple déclaration auprès d’un officier de l’État civil. Aujourd'hui, elle passe par un juge.
En l’état, pour changer de genre sur une carte d'identité, il faut en faire la demande auprès du tribunal, et apporter des preuves que le sexe qui apparaît sur les documents officiels n’est pas celui auquel la personne s’identifie par des témoignages de collègues de travail et de l'entourage familial et amical.
La proposition de loi qui cherchait donc à assouplir le dispositif par simple déclaration de changement en mairie, loin de faire consensus au Sénat, n'a jamais été débattu dans l'hémicycle.
Les sénateurs vent debout contre la transition de genre pour les mineurs
Un rapport sénatorial remis quelques mois plus tôt demandait plutôt d'interdire la transition médicale de genre avant 18 ans. De quoi pousser les sénateurs à adopter une proposition de loi pour encadrer les pratiques médicales dans la prise en charge de mineurs concernés en avril dernier.
Le texte, largement adopté, encadre la prescription des bloqueurs de puberté pour les mineurs dans des centres de référence listés par la loi et dans le respect d’un délai minimal de deux ans après la première consultation.
Le gouvernement, jusqu'ici plutôt discret sur le sujet, était alors sorti du bois. "Tout ce que j’ai entendu m’a montré qu’on était dans une approche dogmatique, subjective où finalement les arguments scientifiques ou médicaux avaient peu d’importance et qu’il fallait marquer politiquement des points", avait regretté le ministre délégué à la Santé d'alors, Frédéric Valletoux.
Retailleau en colère
Des propos qui avaient fortement déplu à Bruno Retailleau, alors président des sénateurs LR.
"Il n’y a pas d’un côté le camp du bien et de l’autre le camp du mal, d’un côté des transphobes et de l’autre des personnes toute en humanité. Ce genre d’affirmation relève de l’insulte", avait jugé le futur ministre de l'Intérieur.
Alors que la proposition de loi soutenue par des députés LR avait été arrêtée net par la dissolution, c'est au tour de la gauche de vouloir s'emparer du sujet. Plusieurs députés du Nouveau front populaire vont déposer un texte reprenant à grand trait celui de la sénatrice écologiste Mélanie Vogel.
"Mettre la pression sur Gabriel Attal"
Parmi les premiers signataires, on trouve notamment les insoumis Andy Kerbrat et Danièle Obono, le socialiste Emmanuel Grégoire ou encore Sandra Régol pour les écologistes.
Avec un but: faire en sorte que ce texte soit signé largement sur les bancs de l'Assemblée pour ensuite lui permettre d'être inscrite lors d'une "semaine de l'Assemblée" qui permet de débattre de textes jugés consensuels.
Un vœu qui pourrait bien resté pieu. Pour l'instant, aucun député Renaissance ne s'est emparé de ce texte.
"On veut mettre la pression sur les macronistes et particulièrement Gabriel Attal", avance cependant la présidente de l'association Toutes des femmes.
Une partie des députés très opposée
Et pour cause: l'ex-Premier ministre avait demandé quelques jours après la nomination de Michel Barnier qu'il n'y ait pas "de retour en arrière" sur les droits LGBT. Contacté par BFMTV.com, le patron des députés Renaissance n'a répondu à nos questions.
Quant aux députés LR, RN et Union des droites, ils n'ont pas été visé par le faux courrier envoyé par l'association Toutes des femmes. "Ce sont des partis qui ont toujours visé la restriction des droits trans", juge le mouvement.
En avril dernier, une députée RN Joëlle Melin avait déposé une proposition de loi "visant à protéger les mineurs contre certaines pratiques médicales", très proche de celle votée par les LR au Sénat quelques jours plus tôt.
Autant dire que l'adoption du texte déposée par la gauche est loin de faire l'unanimité à l'Assemblée nationale et n'a que donc peu de chances d'être voté dans le cadre d'une procédure transpartisane.