La venue de Pamela Anderson à l'Assemblée loin de faire l'unanimité
Jamais une conférence de presse organisée par une députée écologiste n'avait fait tant de bruit à l'Assemblée nationale. Pamela Anderson doit participer mardi après-midi à une conférence de presse à l'invitation de la fondation Brigitte Bardot et de la députée EELV Laurence Abeille, qui veut déposer une proposition de loi pour interdire "le gavage des palmipèdes pour la production de foie gras". Une initiative qui a suscité une levée de boucliers chez certains députés, y compris des écologistes.
L'ancienne vedette d'Alerte à Malibu est depuis plusieurs années une militante active de la cause animale, engagée dans des campagnes contre le port de la fourrure et du cuir ou les expérimentations animales. "La venue de Pamela Anderson, ça me gave et ça me gonfle. C'est de la politique spectacle", a réagi l'un des porte-parole du groupe PS, Hugues Fourage. "C'est le degré zéro de la politique", a renchéri le chef de file des députés LR Christian Jacob.
Hors micro, certains députés se laissaient aller à des remarques sexistes.
Laurence Abeille dénonce des "réactions sexistes"
Dans un communiqué, le mouvement CPNT (Chasse, pêche, nature et traditions) va jusqu'à écrire que Laurence Abeille "préfère les dindes gonflées au silicone aux bonnes oies gavées au maïs des Landes, du Périgord..."
Pour Laurence Abeille, ce sont "des propos particulièrement choquants, sexistes, machistes, misogynes". Pamela Anderson "a un engagement fort", a estimé la députée du Val-de-Marne, pour qui "on peut continuer à très bien manger sans infliger de souffrance aux animaux".
Sur BFMTV elle se dit "heureuse" d'accueillir une "personnalité de cette notoriété": "Ça ouvre un peu les murs souvent sclérosés" de l'Assemblée.
"C'est une femme libre, elle est engagée sur la cause végétarienne dans la lutte contre la souffrance animale depuis très longtemps. Donc pourquoi est-ce que son physique viendrait déranger son discours politique qu'elle vient nous apporter aujourd'hui? Moi je trouve très dommageable qu'on ait encore aujourd'hui dans cette enceinte de l'Assemblée - c'est pas la première fois - des propos particulièrement sexistes. Moi ça me choque", déplore lécologiste.
Une "double peine pour nos éleveurs"
Lors de cette conférence de presse, la fondation Brigitte Bardot dévoilera d'ailleurs les résultats d'un sondage où 70% des Français se disent opposés à ce gavage, "sachant qu'il existe des alternatives" pour produire du foie gras. En décembre, l'association de défense des animaux L214 avait montré dans deux vidéos les dessous d'un élevage industriel de canards destinés à produire du foie gras.
Mais, au-delà de la venue d'une vedette américaine, la démarche de Laurence Abeille est mal reçue par les producteurs, dans le contexte d'un secteur touché par la grippe aviaire. Dans un communiqué, les producteurs français de foie gras ont dénoncé une initiative "indécente" au moment "où la survie de leur filière et de leurs exploitations est en péril".
L'épizootie a entraîné le gel de la production et le non renouvellement temporaire des canards gras et oies dans les élevages du Sud-Ouest pour plusieurs mois. Cette mesure "radicale", précisent-ils, devrait coûter à la filière entre 300 et 350 millions d'euros.
Dans un courrier commun inhabituel envoyé à tous les députés, les présidents des groupes politiques PS, PRG, Front de gauche, UDI et LR, ainsi que l'ancien président du groupe écologiste François de Rugy ont dénoncé cette "initiative" de Laurence Abeille comme une "double peine pour nos éleveurs" qui "méritent un soutien exceptionnel de la représentation nationale".
Lors des questions au gouvernement par le député Les Républicains, Jean-Louis Costes a jugé qu'"interdire le gavage et donc la production de foie gras dans notre pays est une pure folie". "A cause des abus de certains industriels vous condamnez l'ensemble des petites exploitations", a-t-il condamné.
Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, lui a répondu que le gouvernement était aux côtés de tous les producteurs de foie gras de France et de Navarre.
L'initiative de Laurence Abeille n'a pas aidé à ressouder un groupe écologiste scindé entre pro et anti-gouvernement. Dans un communiqué, les défenseurs de la ligne gouvernementale ont ainsi dénoncé une proposition qui "conduirait à mettre en péril des milliers d'éleveurs d'oies et de canards" et donne "l'image d'une écologie dogmatique, prescriptive, porteuse d'interdits".
Cette annonce de dépôt d'une proposition de loi "est d'autant plus regrettable que chacun sait qu'elle n'a quasiment aucune chance d'être examinée un jour", taclent ces députés.