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Politique

Le débat sur l’austérité mérite aussi la transparence

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Arnaud Montebourg se distingue à nouveau en critiquant (dans Le Monde) la politique d’austérité qui, dit-il, « conduit à la débâcle ». Est-ce un dérapage ? Vous n’en êtes pas sûr. Votre parti pris : le débat sur l’austérité mérite lui aussi la transparence. Que voulez-vous dire ?

On aurait tort de prendre les déclarations d’A. Montebourg pour une saillie de plus ou un effet de manche improvisé. Tout indique qu’il a gagné à la fois en popularité et en flegme – et il faut lui reconnaître de la constance. Ce qu’il dit se résume en 2 points : 1. L’affaire Cahuzac ne doit pas faire diversion : elle renforce la nécessité de réduire l’opacité du système financier. 2. Pour rétablir la confiance des citoyens, la question de la légitimité des politiques d’austérité doit être posée : elles améliorent peut-être les comptes des Etats, mais ne font pas les affaires des peuples. Rien de tout cela n’est déraisonnable.

Il n’empêche que c’est une charge contre la politique du gouvernement auquel A. Montebourg appartient. Si ce n’est pas un couac, est-ce qu’il a voulu faire un coup ?

Sans doute qu’il a voulu porter un coup. A tort ou à raison, Montebourg est persuadé que la réduction des déficits à marche forcée conduit à une impasse et il dit bien que c’est l’Europe et pas seulement la France qui risque la « débâcle ». Il n’est pas le seul, d’ailleurs : dans tous les partis, l’idée selon laquelle les restrictions budgétaires bloquent le pouvoir d’achat et tuent la croissance est une idée qui monte. Montebourg a été accusé de mener un combat d’arrière-garde avec le protectionnisme (ça change) ; contre l’austérité, il voudrait maintenant être à l’avant-garde.

Est-ce qu’il n’est pas aussi en train de postuler à la succession de JM Ayrault à Matignon ?

Ça y ressemble. Tout son propos est d’afficher un décalage avec le gouvernement tout en revendiquant une fidélité au président. Quand il réclame d’aller plus loin dans la règlementation des banques ou dans la lutte contre les paradis fiscaux, il ne fait que rappeler des promesses de F. Hollande. Montebourg ne prône pas l’orthodoxie budgétaire mais l’orthodoxie majoritaire. Dans les faits, c’est une critique de F. Hollande… mais une offre de service explicite. Quand la question d’un changement de gouvernement lui est posée, il répond sans un mot de soutien à JM Ayrault – le message est clair. Surtout quand on sait que le texte a été relu à l’Elysée…

Autrement dit, ce serait avec l’aval de F. Hollande que le ministre réclame un changement de cap ?

Disons plutôt qu’il demande de la clarté – comme d’autres ministres, plus discrets. F. Hollande a beaucoup parlé de croissance mais surtout pratiqué l’austérité. Montebourg voudrait qu’il tranche et lui est toujours prêt à se montrer tranchant pour 2. Après tout, les Américains eux-mêmes tiennent ce discours aux Européens en insistant sur les risques de récession d’une politique trop axée sur la rigueur. Et le FMI lui-même, grand expert comptable du monde, a reconnu au début de l’année que l’obsession de l’austérité était fondée sur une fausse équation mathématique. Montebourg se dit que de cette erreur de calcul économique pourrait sortir un excellent calcul politique – au moins pour lui…

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mercredi 10 avril.

Hervé Gattegno