La droite rattrapée par l'écotaxe

L’affaire de l’écotaxe prend une tournure politique. En question, le contrat passé par le précédent gouvernement avec Ecomouv, entreprise privée chargée de gérer la collecte de la taxe.

Qui a signé ce contrat avec Ecomouv en 2009? Qui en est responsable, qui doit l’assumer? Alors que la polémique sur l’écotaxe n’en finit plus d’agiter la Bretagne, les responsables politiques de l’ancienne majorité se rejettent la responsabilité de ce contrat, tel un objet encombrant. Ecomouv, entreprise privée italienne à 70%, a été chargée par l’Etat de développer l’ensemble du dispositif et de gérer sa collecte via des portiques, lors du Grenelle de l'environnement, voulu par Nicolas Sarkozy.

Jean-François Copé juge "aberrant" le coût de la collecte

Mais face à la colère bretonne, l’Etat a reculé et suspendu l’écotaxe. Avec la montée de l’affaire, les politiques de tous bords commentent les conditions d’attribution du marché de mise en œuvre de l’écotaxe. La taxe était censée rapporter 1,15 milliard d'euros par an, dont 20%, soit près de 250 millions d'euros, pour Ecomouv.

Jean-François Copé, le premier, a estimé mardi matin "aberrant" le coût de collecte de l’écotaxe prévu par le contrat. Et de rappeler que l’écotaxe, "nous l’avions reportée en 2008-2009 pour des raisons qui tenaient à la crise financière. En 2012, rien n'empêchait François Hollande, s'il n'y croyait pas, de la supprimer". Rachida Dati, elle aussi, s’en est étonnée: "je n’étais même pas au courant de cette signature de contrat (…). Ca me surprend, pour ne pas dire plus, qu’une entreprise privée et étrangère soit déléguée ou chargée de collecter l’impôt en France".

Borloo se défend

Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’Ecologie, a peu goûté à ces réactions, qualifiant les propos de ses camarades de "pas très courageux": "puisque personne ne veut l’assumer, moi, je suis prête à le faire", a déclaré sur France Inter la candidate UMP à la mairie de Paris, tout en ajoutant: "je ne l'ai pas initié, ça a été lancé avant et signé après". Mais "c’est un contrat qui a été passé dans les règles, en toute transparence, à la suite d'un dialogue compétitif, c'est-à-dire d'une négociation, qui a duré plus d'un an".

Pas question non plus pour le ministre de l’Ecologie d’alors, Jean-Louis Borloo, de se laisser accuser de la signature de ce contrat. "J’assume politiquement l’écotaxe qui, à l’époque, avait été approuvée à l’unanimité, mais quand je suis parti du gouvernement, en novembre 2010, rien n’avait encore été signé", se défend-il dans Paris Match. "Ecomouv ne sera désigné que quelques mois plus tard, en février 2011. Je ne me suis jamais mêlé de près ou de loin au choix du concessionnaire."

Le contrat avec Ecomouv renégocié

Devant le flou qui règne autour des responsabilités autour de ce contrat, c’est désormais à la majorité actuelle d’agir. Pierre Moscovici a annoncé mardi sur BFMTV une renégociation du contrat de l'Etat avec Ecomouv. "Cette société ne s'est pas acquittée de ses responsabilités. Nous serions fondés à la mettre en cause compte tenu de la non-exécution d'un certain nombre d'obligations", a affirmé le ministre. Il a jugé qu'il fallait "revoir toute la logique du contrat", tout en reconnaissant: "On peut s'étonner du fait qu'on ait délégué la collecte d'une taxe nationale à un fournisseur d'origine étrangère." En outre, l'Etat va réclamer des indemnités de retard à Ecomouv, selon les informations de BFM Business.

De leur côté, les sénateurs PS vont demander une commission d’enquête parlementaire "pour faire toute la lumière sur ce dossier". "Vous prendez alors vos responsabilités", a lancé à l'Assemblée le ministre des Transports Frédéric Cuvillier, à son prédécesseur de l'UMP, Dominique Bussereau. Excédé, Frédéric Cuvillier a dénoncé dans l'hémicycle une "cacophonie à des fins purement politiciennes", sous les cris de la droite.

Ariane Kujawski