Ministre de l'Agriculture, un poste à quitte ou double

La crise des éleveurs touche-t-elle à sa fin? Alors que certains se disent prêts à lever les blocages, d'autres à Lyon et Clermont sont prêts à se lancer dans de nouvelles actions, se disant "déçus" des annonces du ministre de l'Agriculture. Pour autant, celui-ci risque-t-il son poste?
Stéphane Le Foll semblait être le candidat idéal pour devenir ministre de l'Agriculture, à l'arrivée de François Hollande au pouvoir en 2012. Petit-fils d'agriculteurs, titulaire d'un BTS en transformation, distribution et commercialisation des produits agricoles, il a également déjà connu des dossiers liés à l'agriculture en tant qu'eurodéputé. La colère des éleveurs n'est donc pas le premier dossier sensible qu'il doit affronter, d'autant qu'il s'est déjà fait chahuter au cours de précédents déplacements.
Mais cette fois, la crise semble plus délicate à gérer: les actions sont brutales, et les éleveurs remontés. L'ami fidèle de François Hollande a pris des risques en affichant d'abord une fermeté envers les éleveurs, avant de rétropédaler pour aller à leur rencontre - de quoi créer une brèche dans laquelle l'opposition s'est immédiatement engouffrée. Il a ensuite dû justifier son investissement, en rappelant ses 200 déplacements depuis sa prise de fonction.
Le ministre prend des risques, mais peut aussi en tirer parti. "Ce ministère n'est pas comme les autres", explique Jean Garrigues, historien politique. "D'abord parce qu'il touche au cœur de ce qui fait l'économie et l'identité française: le monde agricole est populaire, et la question de celui qui l'incarne est donc très importante." Pour un ministre, le portefeuille de l'Agriculture est donc à double tranchant: il peut constituer un risque politique, mais peut aussi représenter un véritable tremplin dans une carrière.
Un dialogue social souvent difficile
Stéphane Le Foll a d'ailleurs eu d'illustres prédécesseurs, comme Jacques Chirac ou encore Michel Rocard. Et chacun a expliqué par la suite l'importance de leur passage. Jacques Chirac, élu de Corrèze, a fait de ses passages au salon de l'Agriculture un rituel de sa carrière politique. "Michel Rocard, lui, en a toujours parlé comme d'une période très formatrice parce qu'il y a été confronté à des revendications très radicales", poursuit Jean Garrigues.
Rares sont les ministres de l'Agriculture qui n'ont pas été confrontés à un dialogue social difficile. "La radicalité paysanne a toujours existé, rappelle l'historien. S'y confronter, c'est faire face aux identités régionales, mais aussi à l'identité nationale et européenne de la France - via des sujets qui sont les pommes de discorde de la présence française en Europe, comme les quotas laitiers ou la PAC".
Une sorte de laboratoire permettant aux moins expérimentés de se plonger dans le vif du sujet – et une façon pour leurs aînés de les tester. A l'inverse, confier un tel maroquin peut se révéler être un cadeau empoisonné. Stéphane Le Foll lui, représente une forme de solidité, estime Jean Garrigues: "c'est une personnalité perçue comme capable d'encaisser les coups. Ce n'est pas un hasard si Hollande lui a confié ce poste". S'il s'en sort, le ministre, qui a depuis 2014 hérité du statut de porte-parole du gouvernement, pourrait même se servir de son expérience comme d'un marche-pied vers de plus hautes fonctions.