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Dry January 2025: le nouveau ministre de la Santé Yannick Neuder assure "le faire, comme chaque année"

Yannick Neuder à Paris le 24 décembre 2024

Yannick Neuder à Paris le 24 décembre 2024 - Anna KURTH / AFP

Yannick Neuder ne compte pas boire d'alcool pour le mois de janvier. Médecin de profession, le nouveau ministre de la Santé s'était opposé récemment à une hausse des taxes sur l'alcool, assurant ne pas croire que "les jeunes s'alcoolisent avec du Châteauneuf-du-Pape".

Quelques semaines de sobriété pour le nouveau ministre de la Santé. Yannick Neuder assure à BFMTV.com qu'il va relever "à titre personnel" le défi du "Dry January", c'est-à-dire passer le premier mois de l'année sans boire d'alcool.

"Je vais le faire, comme chaque année", assure ce cardiologue de profession, tout juste nommé dans le gouvernement de François Bayrou.

L'annonce détonne par rapport à ses prédécesseurs: ces dernières années, les gouvernements successifs ont en effet refusé de soutenir cette opération de sobriété.

En 2019, une campagne avait été préparée par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, mais n'avait jamais réellement vu le jour. "C'est une bataille quasi-impossible à mener dans notre pays, en réalité. Vous avez trop de vents contraires", expliquait cette dernière à France 2 en 2024, évoquant notamment le poids des lobbys et du vin comme "une image de la culture française".

"Je ne crois pas que les jeunes s'alcoolisent avec du Châteauneuf-du-Pape"

L'engagement de Yannick Neuder peut également surprendre au regard de récentes déclarations du ministre sur la consommation de vin. Alors député LR et rapporteur général du budget de la sécurité sociale, il s'était opposé en novembre à un amendement soutenant la création d'une taxe sur la bière et le vin pour financer la Sécurité sociale. Il avait été déposé par plusieurs députés macronistes tout en étant défendu par la gauche et par la ministre de la Santé de l'époque, Geneviève Darrieussecq.

Cette disposition fiscale ne concerne actuellement que les alcools à plus de 18 degrés comme le whisky ou la vodka et ne s'applique ni au vin ni à la bière, y compris les plus alcoolisés. Son montant, généralement de quelques centimes, avait suscité l'ire des députés de droite pendant les débats.

"C'est pas parce que vous allez augmenter de 7 centimes (le prix) de votre bouteille de Châteauneuf-du-Pape que vous allez diminuer la mortalité chez les jeunes", avait jugé dans l'hémicycle Yannick Neuder.

Le futur ministre de la Santé appelait à "contrôler d'abord la vente d'alcool à nos plus jeunes qui (consomment) des alcools forts, violents" et à "arrêter de taper sur nos viticulteurs".

"Je suis désolée mais je ne crois pas que les jeunes s'alcoolisent avec du Châteauneuf-du-Pape" , insistait encore le député de l'Isère.

L'amendement, qui élargissait la cotisation sur la sécurité sociale à tous les alcools, avait pourtant été largement adopté par l'Assemblée nationale, à gauche comme sur les bancs de Renaissance. Les défenseurs de la mesure soulignaient que les recettes de taxation sur l'alcool ne couvrent que 42% du coût des soins engendrés par la consommation d'alcool, d'après un chiffre de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives.

La mesure est cependant au point mort depuis la censure de Michel Barnier, tombé après le vote du budget de la sécurité sociale. Mais les propos de Yannick Neuder sont revenus sur le tapis à la faveur de sa nomination au ministère de la Santé.

"À la botte d'aucun lobby sur l'alcool"

Interrogé sur BFMTV le 24 décembre dernier, il persistait. "Toutes les alcoolisations aigües que j’ai pu rencontrer, notamment lorsque je faisais les gardes aux urgences, n’étaient pas forcément avec le type d’alcools qui étaient cités dans les amendements", comme le vin et la bière, avançait le médecin.

Avant d'assurer "n'être à la botte d'aucun lobby sur l'alcool". Le cabinet du ministre précise encore que "contrairement à la cigarette, la hausse des taxes sur l'alcool n'a pas d'incidence" sur les ventes.

"Tous les consommateurs, y compris les buveurs excessifs et les jeunes réagissent aux variations des prix de l'alcool", estime cependant l'association Addictions France dans une récente note sur le budget de la sécurité sociale. "Les politiques de fixation des prix de l’alcool et la fiscalité figurent parmi les mesures les plus efficaces et les plus rentables pour réduire la consommation d’alcool et ses méfaits", peut-on également lire sur le site de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

41.000 morts par an

Quant au type d'alcool ingéré par les personnes hospitalisées aux urgences, nulle étude n'existe en la matière. Mais selon une étude du CHU de Clermont-Ferrand publié dans le Journal européen des urgences, 30% des admissions aux urgences sont liées à une alcoolisation trop importante.

Quant aux profils des personnes concernées, "si les ivresses des jeunes existent, le plus typiquement il s'agit d'un homme entre 40 à 50 ans, vivant souvent seul", précisent encore les médecins signataires de cet article.

La polémique rappelle celle qui avait opposé Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, et le ministre de l'Agriculture de l'époque, Didier Guillaume. Je n'ai "jamais vu un jeune qui sort de boîte de nuit et qui est saoul parce qu'il a bu du Côte-du-Rhône", affirmait-il alors sur BFMTV en 2019.

Réponse deux jours plus tard de sa collègue, elle-même médecin: "La molécule d'alcool contenue dans le vin est exactement la même que celle contenue dans n'importe quelle boisson alcoolisée."

Selon les derniers chiffres de Santé publique France, 41.000 morts sont attribuables tous les ans à l'alcool. Parmi ceux-ci, on compte notamment 16 000 décès par cancers, 9.900 décès par maladies cardiovasculaires et 5.400 pour une cause externe comme un accident de la route.

L'alcool est par ailleurs en cause dans 28% des accidents mortels d'après des chiffres du ministère de l'Intérieur et est mise en cause dans 40% des condamnations pour fait de violence.

Marie-Pierre Bourgeois