Une nouvelle association veut défendre le Front national dans la communauté juive

Dans sa campagne pour les présidentielles de 2017, Marine Le Pen pourra bénéficier de l'appui d'une association la défendant auprès des Juifs de France. - Lionel Bonaventure - AFP
Selon une étude Ifop citée par L’Express, seuls 4,3% des électeurs français juifs avaient voté pour Jean-Marie Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2007. C’était peu, et bien en-dessous de la moyenne nationale (10,6%). En 2012, en revanche, ils étaient 13,5% à s’accorder autour du nom de Marine Le Pen. Et visiblement, le Front national espère voir cette tendance se renforcer d’ici à 2017.
En effet, une association de type loi 1901 est sur le point de voir le jour selon Le Lab d’Europe 1. Son but: proposer à Marine Le Pen des orientations dans sa relation avec la communauté juive de France et changer l’image du lepénisme parmi celle-ci.
Une association ni trop près du FN... ni trop loin
Mais attention, pas question de dire que ce collectif est une émanation directe du Front national. "Ce n’est pas une création du FN mais d’amis du FN et de Marine Le Pen", explique Louis Aliot, compagnon de la leader frontiste et vice-président du FN.
Ancien membre de l’Union des Français juifs et conseiller de Marine Le Pen pour les questions de police durant la campagne de 2012, Michel Thooris, que L’Express affuble du surnom de "sempiternel juif du Front national" est pressenti pour prendre la tête de l'association. Il abonde dans le sens de Louis Aliot. Le nouveau collectif, dont les statuts seront bientôt déposés officiellement, ne sera pas lié au Front national mais "aura toutefois une proximité avec Marine Le Pen. (…) On formulera des propositions pour la campagne présidentielle mais on ne fera pas pression sur Marine Le Pen", explique-t-il au Lab.
Définitivement tournée la page où le président du parti parlait de la Shoah comme "d’un point de détail" et s’amusait du nom de Michel Durafour y ajoutant le douteux suffixe "crématoire"? Pas tout à fait. Marine Le Pen est toujours l’une des rares figures politiques françaises de premier plan à être persona non grata au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). A l’évidence, l’initiative portée par Michel Thooris, dont le blog du Monde Droite(s) Extrême(s) a révélé les liens avec l’extrême-droite israélienne et le soutien à la très décriée Ligue de Défense Juive, a en partie vocation à damer le pion du CRIF.
Michel Thooris s’emporte: "On a pour objectif de tordre le cou à cette idée selon laquelle le FN ne défendrait pas la communauté juive. Aujourd’hui, il y a une mainmise du CRIF et beaucoup de Français juifs recherchent des solutions politiques alternatives. Car le CRIF ne défend que lui-même et ne représente pas les intérêts de la communauté juive."
Crispations internes
Cet intérêt soudain de sympathisants du Front national pour l’électorat juif alors que le parti a, des années durant, ferraillé contre ce qu'il voyait comme du communautarisme, ne plaît pas à tout le monde en interne. Dans les colonnes du Scan du Figaro, Sébastien Chenu, qui s’occupe pourtant des ateliers thématiques du Front national, s’énerve: "C’est une information à mon sens ridicule."
Pour l'historien Nicolas Lebourg, spécialiste de l'extrême-droite française, l'association proposée par Michel Thooris appartient à la troisième vague de création de collectifs gravitant autour du Front national. Les deux premières, dans les années soixante-dix et quatre-vingt dix, n'ont accouché que de coquilles vides. Celle-ci, selon lui, n'est qu'un nouveau coup de com' qui ne devrait pas perturber la base.
"La fondation de cette association peut être sujet à des discussions, éventuellement vives, entre dirigeants, mais les militants eux se contrefichent de ce genre de thématiques, explique l'universitaire à BFMTV.com. Pour eux, ce qui compte, c'est l'espoir de participer directement aux affaires sous peu, pas la géopolitique. En plus, l'antisémitisme est en net recul actuellement face à l'islamophobie."
Pour parvenir à cette conclusion, Nicolas Lebourg a utilisé le logiciel Alexa, qui permet de suivre l'évolution des fréquentations des sites internet. "En 2015, à l'exception d'un regain éphémère après les attentats de Paris en novembre, les pages relevant de la sphère soralienne accusaient un vrai trou d'air, a-t-il ainsi remarqué. Leur nombre de visites s'est écroulé."
Nécessités internationales comme nationales
Il n’empêche que, pour Marine Le Pen, le calcul n’a rien de grotesque. Si elle désire depuis longtemps se rendre en Israël, les portes de l’État hébreu lui sont pour le moment fermées. Une impasse dont elle ne peut se satisfaire au moment où elle cherche à se bâtir une stature internationale comme l’a montré son récent voyage au Canada. En 2011, un séjour de Louis Aliot en Israël avait tourné au fiasco.
Mais c'est surtout certaines franges de l'électorat français que Marine Le Pen pourrait aller trouver dans l'État hébreu.
Nicolas Lebourg le dit tout net: "Pour elle, Israël, c'est la porte d'entrée vers la droite française! Le jour où elle sera reçue à Yad Vashem (mémorial juif consacré aux victimes de la Shoah et situé à Jérusalem), où elle rencontrera une personnalité importante issue de la classe politique israélienne, elle pourra se retourner vers les dirigeants de la droite française et dire: 'Vous ne pouvez plus me traiter d'antisémite!'"
"Surtout, elle pourra s'adresser plus sereinement aux portions les plus droitières de cette famille politique, qui sont déjà proches des thèses du Front national et souvent adeptes de la théorie du choc des civilisations, ce qui suscite chez elles une sympathie à l'égard des conservateurs israéliens", précise Nicolas Lebourg. Un nouveau vivier d'électeurs potentiels qui pourraient ainsi renforcer sa position lors de l'élection présidentielle en 2017.