Le Front national drague les amis des animaux

A grand renfort de photos avec ses chats, Marine Le Pen drague les amis des animaux en vue de 2017. - MARTIN BUREAU / AFP
Marine Le Pen aime se montrer devant les objectifs avec toutes sortes d'animaux. Chiots, chevaux, vaches, mais surtout chats comptent parmi ses camarades de selfies privilégiés. Sur son blog, Carnets d'espérances, on la voit caresser le museau d'un veau, câliner son chat, embrasser un chien de traîneau et sauter un obstacle à dos de cheval. Ce vendredi 2 décembre, la candidate visitera d'ailleurs le Salon du Cheval à Paris.
Dans les années 90, Jean-Marie Le Pen et ses dobermans avaient été immortalisés par l'appareil d'Helmut Newton. En 2016, Marine Le Pen partage sur Twitter des photos de ses chats pour la journée consacrée au petit félin, le 8 août. Très tôt, le parti a mis en avant son amour des bêtes. Aujourd'hui, il en fait un argument électoral. En vue de 2017, et dans le cadre de sa stratégie de dédiabolisation, le Front national de l'ère Marine Le Pen drague de manière ostentatoire les amis des animaux.
"C'est un sujet qui passionne. Des millions de Français ont un animal de compagnie", expliquait Florian Philippot le 11 octobre dernier, lors de la convention sur la protection animale organisée par le parti.
"Humaniser le FN"
Pour le FN, le calcul est simple: ces millions de propriétaires d'animaux sont autant d'électeurs potentiels. "Pour elle ce n'est pas une thématique électorale, c'est un combat personnel", jure-t-il aussi, sans toutefois convaincre. "En 2017, les amis des animaux voteront pour Marine Le Pen", peut-on lire aussi sur le site du FN, qui ne cache plus miser sur cela.
"Ça peut toujours amener des voix, car c'est très populaire", reconnaît Sylvain Crépon, maître de conférences en science politique à l’Université François-Rabelais de Tours, contacté par BFMTV.com. "Ça peut payer auprès d’un électorat déjà convaincu et contribuer à humaniser le FN, c'est une façon de dire 'je suis comme vous'", analyse le chercheur.
30 propositions
Pour mieux incarner cette cause, en mars dernier, le parti a créé un collectif dédié: Bélaud-Argos. Bélaud comme le chat du poète Joachim du Bellay, Argos comme le chien d'Ulysse dans l'oeuvre d'Homère. Le collectif est dirigé par l'eurodéputée Sophie Montel et a reçu le soutien de Brigitte Bardot lors de sa création.
Le but de cette formation est de mettre en place des propositions qui doivent nourrir le programme du FN pour 2017. Et ses membres n'ont pas chômé, puisque 30 propositions ont été formulées et mises en ligne sur le site de Bélaud-Argos.
Lors de la présentation du collectif, Sophie Montel avait promis qu'il n'y aurait "aucun sujet tabou", citant comme objet des propositions futures "la corrida, le gavage des oies et des canards, la chasse", et réclamant "l'obligation d'étourdissement" des animaux avant l'abattage rituel.
Parmi les propositions formulées sur le site, l'obligation de la vidéosurveillance dans les abattoirs, une mesure à laquelle beaucoup de Français s'étaient dit favorables après la publication de vidéos clandestines tournées par l'association L214. Mais aussi l'encouragement "des alternatives au broyage des poussins", l'interdiction des fermes à fourrure, et enfin, l'obligation de "l'étourdissement préalable des animaux avant l'abattage", comme annoncé.
Sauveur de moutons
Dans l'ordre de priorité donné aux propositions, cette dernière, qui vise en fait l'abattage rituel musulman, figure en bonne position.
"La spécificité du FN, c'est de croiser la cause animale avec un aspect nationaliste", souligne Sylvain Crépon. "La défense des animaux est toujours couplée avec l'identité, avec l'abattage rituel musulman", insiste-t-il.
Une double posture incarnée par le maire FN d'Hayange, en Moselle. En septembre 2015, Fabien Engelmann se présentait comme un sauveur de moutons à l'occasion de la fête de l'Aïd-el-Kébir, qui comprend un abattage rituel de l'animal.
Un tableau mitigé
Mais autour de la protection animale, le FN et Bélaud-Argos abordent différents thèmes pêle-mêle: la lutte contre la maltraitance des animaux domestiques et des animaux d'élevage, la condamnation de la chasse aux trophées, etc. Dans les faits, certaines thématiques sont abordées de manière plus ou moins frontale, de manière à ne pas froisser des électeurs potentiels, tels que les chasseurs et les défenseurs de la corrida.
Sur ces sujets, comme sur le thème du gavage des oies, Marine Le Pen a donc sans surprise effectué quelques allers-retours. L'association L214 a mis en place un site intitulé "Politique et animaux", qui permet de visualiser les prises de position des politiques sur la cause animale. Sur la fiche consacrée à Marine Le Pen, on constate qu'en effet le tableau est mitigé.
Ménager les ancrages locaux
En octobre dernier, la patronne du FN a voté en tant qu'eurodéputée un amendement visant à supprimer le financement européen des corridas. Mais en mars, quelques mois auparavant, au lancement de Bélaud-Argos, elle refusait de prendre position. "Nous serons amenés à prendre une décision dans le cadre du projet présidentiel", annonçait-elle. En octobre 2014, elle s'était abstenue lors du vote qui visait à supprimer les aides de la PAC aux corridas.
Marine Le Pen a donc changé d'avis, à moins qu'elle ne fasse volontairement profil bas, notamment parce que le vice-président du Front national, Louis Aliot, est très implanté en Languedoc-Roussillon, où il a été conseiller régional pendant cinq ans et où la corrida est très populaire.
"Aucune posture idéologique" sur la chasse
L'autre sujet sensible est celui de la chasse. En 2015, pour les régionales, Marine Le Pen avait fait des chasseurs une de ses cibles d'électeurs privilégiées, en recrutant deux sur ses listes. En octobre dernier, elle figurait parmi les dépositaires d'une résolution du Parlement européen qui réaffirmait "l'importance socio-environnementale de la chasse".
Sur le site de Bélaud-Argos, aucun onglet ni mot-clé dédié à la chasse. Il n'en est question que dans un document: la réponse à la lettre envoyée au collectif par un chasseur, qui souhaite connaître leur positionnement. Sophie Montel y explique n'avoir "aucune posture idéologique" sur la chasse, "que des centaines de milliers de nos compatriotes pratiquent régulièrement, avec un professionnalisme certain, qui assure une mort digne et rapide à l’animal". Elle se dit en revanche opposée à la chasse à courre, qualifiée de "pratique moyenâgeuse".
Malgré l'unanimisme de façade, l'engagement du Front national en faveur des animaux est donc à géométrie variable. Le but est de gagner si possible des voix, sans en perdre pour autant. Outre son affection affichée pour les chats, c'est donc sans doute pour cela que Marine Le Pen en a fait son animal de communication fétiche, qui ne risque pas de cliver.