BFMTV
Politique

EDITO - Macron fait attention à l'Eglise "parce qu'il va vers la loi sur la PMA"

placeholder video
Les éditorialistes de BFMTV reviennent sur la polémique qui touche le président de la République, accusé de porter atteinte à la laïcité après avoir déclaré vouloir "réparer le lien entre l'Église et l'Etat".

Au lendemain du discours d'Emmanuel Macron devant la Conférence des évêques de France au collège des Bernardins à Paris, lors duquel Emmanuel Macron a affirmé vouloir "réparer le lien entre l'Église et l'Etat", le président de la République est sous le feu des critiques.

.
. © .

> Christophe Barbier: "Macron a créé une ambiguïté"

"Il y a de l’ambiguïté dans ce terme de ‘lien’. C’est quoi le lien? Si c’est le dialogue entre l’Etat et les Églises, oui, il a parlé au Crif, il a parlé avec les musulmans, il parle avec l’Eglise, très bien. Si c’est le concret du lien entre l’Etat et l’Église catholique de France, par exemple le Concordat, ou l’entretien du patrimoine, tout va très bien.

Si c’est mettre l’Etat en dialogue politique avec l’Église, une Église qui pourrait influencer les choix de l’administration, de l’Etat, de l’exécutif, attention! Là je crie ‘casse-cou!’, on est plus dans la laïcité. Attention, là le président a créé une ambiguïté. Le mot de lien, il devra s’en expliquer dimanche soir. Moi je comprends les laïcards, qui ce matin disent ‘Qu’est-ce que c’est que ce mot?’ Dans le dialogue entre ceux qui font la loi et ceux qui portent des valeurs morales, il faut faire preuve de beaucoup de prudence.

Or on a l’impression qu’avec la GPA, la PMA, la fin de vie, tous les débats bioéthiques, il peut y avoir perfusion des valeurs de l’Église sur les décisions publiques. Sur ces questions, on a l’impression qu’Emmanuel Macron, dont on attend toujours le grand discours sur la laïcité, qui pendant sa campagne a nimbé de positions spirituelles certains de ses propos, voudrait bien que tout doucement le débat public dégage une majorité très conservatrice sur ces sujets, pour que lui puisse dire: ‘Vous voyez, visiblement l’opinion est dans ce sens-là, je n’y touche pas.

Emmanuel Macron n’a pas dit qu’il fallait revenir sur la séparation de l’Église et de l’Etat. Séparer, ça ne veut pas dire qu’on ne se parle plus du tout, ça veut dire qu’on ne gère plus en commun. C’est ce que nous faisons depuis 1905. Il faut cependant être très vigilant du côté laïcité, et très clair du côté du président, il ne l’a pas été. Attention, qu’il ne fasse pas comme Nicolas Sarkozy, qui nous disait: ‘au-dessus de l’instituteur, il y aura toujours le prêtre’."

.
. © .

> Laurent Neumann: "Macron ne veut pas revivre une nouvelle Manif' pour tous"

"Ces polémiques étaient inévitables, parce que si on écoute l’intégralité du discours d’Emmanuel Macron, il a fait de la politique hier soir, il a renvoyé la gauche et la droite dos-à-dos. Pour comprendre ce discours, il faut se souvenir qu’il était au cœur nucléaire de l’Etat, à l’Élysée, lorsqu’il y a eu la grande bataille du mariage pour tous, et il a vu à quel point la méthode pour obtenir la loi a choqué, brisé ce fameux lien avec l’Église. Non pas qu’il faille suivre ses injonctions, mais parce qu’il faut organiser un dialogue intelligent. Il veut rétablir ce dialogue. Qui peut être contre ce dialogue? À condition qu’il soit le même avec les autres religions.

En aucun cas, cela ne remet en cause la laïcité, mais la laïcité ça ne consiste pas non plus à nier le spirituel. Pourquoi fait-il ça Emmanuel Macron ? Parce qu’il va aller vers la loi sur la PMA, et qu’il ne veut pas revivre ce qu’il s’est passé sur le mariage homo, il ne veut pas voir des centaines de milliers de personnes dans la rue. Donc il y a l’avis du Conseil national d’éthique, mais il veut aussi recueillir l’avis des Églises. C’est logique que ça choque, parce qu’hier il a expliqué que la droite avait instrumentalisé l’Église à des fins politiques, et que la gauche n’avait absolument pas souhaité entendre ce que l’Église avait à dire.

Avant, on réduisait un discours à une phrase. Maintenant, on fait mieux, on le réduit à un mot. Ce mot, c’est le lien. Ça peut choquer des laïcs, parce qu’évidemment il y a loi de 1905. Si on fait l’effort d’écouter le discours dans son intégralité, je vous mets au défi de trouver une seule phrase où la séparation de l’Église et de l’Etat a été remise en cause.

Louis Nadau