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Crise en Algérie: pour Kouchner, la France doit être "prudente, pas arrogante"

Bernard Kouchner invité de BFMTV lundi 4 mars 2019

Bernard Kouchner invité de BFMTV lundi 4 mars 2019 - BFMTV

L'ancien ministre des Affaires étrangères était ce matin l'invité d'Apolline de Malherbe sur BFMTV et RMC.

"C'est un drame pour l'Algérie que de ne pas avoir une démocratie moderne, un pays moderne et un avenir moderne." Invité d'Apolline de Malherbe pour RMC et BFMTV ce lundi matin, Bernard Kouchner livre son analyse sur la crise qui touche actuellement le pays du Maghreb, alors que les manifestations se sont poursuivies cette nuit quelques heures après l'officialisation du dépôt de la candidature d'Abdelaziz Bouteflika, malgré la colère de la rue.

"Tout le monde disait 'c'est trop'"

"Tout ça c'était annoncé, que monsieur Bouteflika soit candidat pour la cinquième fois, tout le monde disait 'c'est trop', tout le monde envoyait des signes au monde entier" explique l'ancien ministre des Affaire étrangères sous le mandat de Nicolas Sarkozy, avant de mettre en exergue la nature inédite de la contestation actuelle:

"Les manifestations de la jeunesse sont vraiment très impressionnantes, ça ne s'était jamais passé. Pendant les printemps arabes, qui n'avait jamais bougé ou très peu? C'était l'Algérie, c'est la première fois qu'il y a un enthousiasme formidable."

Les élections anticipées? "Un petit gage"

Face à la gronde qui s'exprime dans la rue, Abdelaziz Bouteflika et son camp ont fait durer le suspense quasiment jusqu'au dernier moment avant d'annoncer le dépôt de sa candidature au Conseil constitutionnel ce dimanche soir, officialisant de fait qu'il brigue un cinquième mandat qui serait déjà gagné d'avance. Précédemment à cette annonce, une lettre lue à la télévision algérienne a annoncé qu'il organiserait une présidentielle anticipée où il ne sera pas candidat en cas de réélection. "Ils se sont rendus compte de l'ampleur du mouvement de la contestation, ils ont donné un tout petit gage" affirme celui que l'on surnomme le "French Doctor" sur notre plateau.

"Il (Abdelaziz Bouteflika, NDLR) veut que cette stratégie politique, cet excès de pouvoir pendant des années, pour ne pas faire grand chose, soit accompli. Depuis le début, on savait qu'il se présenterait et qu'il gagnerait."

"Les plaies ne sont pas complètement refermées"

Pour celui qui a également participé à la création de Médecins sans frontières, il faut toutefois faire attention la manière dont la crise algérienne peut-être abordée et évoquée en France. "Chaque phrase prononcée par un Français risque de déclencher des drames supplémentaires", juge-t-il.

"Les plaies ne sont pas complètement refermées entre l'Algérie et la France, d'un coté comme de l'autre" poursuit notre invité en référence au lourd passé qui unit les deux pays.

Concernant les Algériens, "ils se sont formés, comme peuple indépendant, d'abord contre les Français, dans une guerre dont on a pas le souvenir et surtout qu'on enseigne pas beaucoup. Il y a eu une guerre horrible avec l'Algérie, des deux côtés, de gros malheurs. Un nombre de morts algériens considérable", détaille celui qui a été aussi ministre de la Santé. "Ensuite il y a eu la construction d'un État, et puis il y a eu un affrontement avec les forces islamistes. Toutes ces étapes ont été très douloureuses." 

S'il estime que la France ne doit pas se taire, elle doit être en revanche "prudente, et ne pas être arrogante". "Regardons les choses avec calme" conseille Bernard Kouchner, pour conclure.

Jérémy Maccaud