Ce qui pourrait remplacer l’ENA

Les locaux de l'ENA, à Strasbourg, en 2013. - PATRICK HERTZOG / AFP
L’annonce devait avoir lieu lundi soir lors de l'allocution d’Emmanuel Macron, annulée à la dernière minute en raison de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame. Parmi les mesures prévues pour répondre aux préoccupations soulevées depuis plusieurs mois par les gilets jaunes – et remises en lumière lors du grand débat national – le chef de l’Etat devait annoncer la suppression de l’ENA.
Cible récurrente de critiques, l’Ecole Nationale d'Administration est accusée de ne pas être assez ouverte aux classes populaires, de favoriser un entre-soi élitiste ou de former des fonctionnaires coupés des réalités.
Une école des services publics
Cependant, l’ENA pourrait ne pas être la seule à vivre une réforme radicale, selon les pistes envisagées. Dans son discours enregistré à l’Elysée lundi, Emmanuel Macron se disait prêt à supprimer "plusieurs autres structures". Ce qui fait dire à un député de la majorité, cité par Les Echos, que "plusieurs écoles", dont l'Ecole nationale de la magistrature et quelques écoles d'ingénieurs, pourraient disparaître pour inventer une nouvelle structure.
"On peut fusionner d’autres écoles de recrutement de la fonction publique notamment les écoles de collectivité territoriale. (...) Et à partir de là, faire monter les meilleurs vers la haute fonction publique", avance Christophe Barbier, notre éditorialiste politique.
Réforme à la sortie de l'école
Les plus grandes modifications devraient aussi concerner l'entrée et la sortie de l'école, comme le rapporte Le Figaro. Inspiré par la réforme mise en place à Sciences-Po au début des années 2000, le chef de l'Etat ne se serait pas insensible à la mise en place d'une discrimination positive pour intégrer l'ENA ou la structure qui la remplacera.
"On peut réfléchir à des formes de discrimination positive, mais l'ENA, qui recrute à un niveau bac+5, ne peut pas être responsable de tous les méfaits du système éducatif", répond Daniel Keller, président des anciens élèves de l’ENA, dans Les Echos.
Par ailleurs, à la sortie de l'école, les meilleurs élèves n'iraient plus directement dans les grands corps, comme le Conseil d'Etat ou l'Inspection des finances publiques.
"L’ENA, ce n’est pas le problème. Le problème, ce sont les grands corps. Vous sortez dans les meilleurs, vous choisissez l’Inspection des finances ou le Conseil d’Etat. Et là, le clan fonctionne. Les inspecteurs des finances se suivent toute leur carrière (…) et ils sont solidaires. C’est ça qu’il faut casser", analyse Christophe Barbier.
Levée de boucliers
Les fonctionnaires sortis de l'école devraient ainsi passer plusieurs années sur le terrain pour faire leur preuve, sur le modèle de l'Ecole de guerre.
"Le classement de sortie ne peut pas servir de passeport pour la vie. Il faut revoir au fil de la carrière les aptitudes et les compétences", reconnaît d'ailleurs Daniel Keller.
Mais pour le président des anciens élèves, "ce n'est pas en cassant ce qui marche qu'on avance".
"Les Français ont conscience que leur administration est plutôt bien tenue, compétente, neutre, assez peu politisée, et tout cela on le doit en partie à l'ENA", ajoute-t-il. "L'ENA s'est transformée en permanence au cours de son histoire, il faut plutôt lui donner les moyens de sa transformation".
Il n'est pas le seul à lever la voix contre cette possible suppression de l'ENA. D'autres anciens élèves et responsables politiques ont déjà pris parti contre cette mesure, dénonçant un choix "démagogique".
"Il y a quelque chose d'assez désagréable de voir que le président de la République qui a pu accéder à la haute fonction publique grâce à l'ENA, puisque ses parents ne sont pas fonctionnaires mais médecins, supprime l'ENA", s'agace ainsi Gaspard Gantzer. Cette "volonté de refermer la porte derrière soi à double tour" n'est "pas très fair play", conclut-il.