"Un climat d'intimidation": que se passe-t-il en Corse, où plusieurs bateaux de promenade en mer ont été incendiés?

Une vague d'incendies criminels visant des bateaux de promenade en mer. Ce mardi 3 juin, à Calvi (Haute-Corse), cinq bateaux semi-rigides appartenant à trois sociétés différentes ont été incendiés par des personnes munies de bidons d'essence. "Les premières constatations suggèrent une origine criminelle", a confirmé à l'AFP le procureur de la République de Bastia, Jean-Philippe Navarre, qui a ouvert une enquête pour association de malfaiteurs et destruction en bande organisée par un moyen dangereux.
Mercredi toujours à Calvi, c'était au tour d'un luxueux catamaran également dédié aux excursions d'être détruit par les flammes, et là encore l'hypothèse d'une origine criminelle est "privilégiée", a précisé à l'AFP le procureur. Fin avril à Saint-Florent, autre port de Haute-Corse, un bateau de promenade faisant figure d'institution avait été détruit par un incendie criminel qui avait également endommagé quatre autres navires. Mi-mai à Ajaccio, c'était un bateau de la compagnie effectuant les traversées dans le golfe d'Ajaccio qui était incendié, après une précédente tentative en février.
Un "climat d'intimidation"
"Il y a aujourd'hui, autour des promenades en mer, beaucoup d'actions violentes qui nous donnent à penser que ce n'est pas le fruit du hasard, mais que c'est quelque chose qui est organisé. Par qui, personne ne le sait, mais j'imagine qu'un jour ou l'autre la justice finira par le savoir", a expliqué Vincent Carlotti, président de Maffia Nò A Vita Iè, un collectif de lutte contre la mafia en Corse, sur BFMTV ce jeudi.
Ces actions instaurent "un climat d'intimidation qui touche les secteurs les plus profitables de l'économie dans notre île", notamment celui des promenades en mer, a-t-il déploré.
Même inquiétude du côté de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Corse, qui craint que sans la mise "hors d'état de nuire sans délai" des auteurs "de cette vague de violence autodestructrice", "l'économie de la Corse déjà fragilisée" soit "précipitée vers le chaos et l'anarchie".
"Mainmise" sur "certains commerces"
Comment expliquer que ces actions ciblent ces activités touristiques? Pour Jacques Follorou, journaliste au Monde et auteur de plusieurs livres sur la mafia en Corse, dont Mafia Corse - Une île sous influence (Robert Laffont, 2022), cela peut, "a minima" vouloir dire que "ce sont des conflits entre groupes criminels qui essaient de tirer profit de cette activité-là".
"Dès qu'il y a une activité qui génère du profit, vous allez avoir des gens qui exercent un pouvoir par la terreur, par le pouvoir des armes, et qui vont en tirer profit", a-t-il ajouté sur BFMTV ce jeudi.
Il ne s'agit pas de "simples faits divers", mais d'un "système de pression et de prise en otage d'une société, d'une économie et d'un territoire", a assuré le journaliste.
Dans un communiqué publié le 20 mai, le collectif Maffia Nò avait dénoncé la "mainmise" des bandes mafieuses sur "certains commerces" qui entraînent des destructions, cette fois dans le tourisme maritime. Ces "pratiques mafieuses" visent à "ruiner les entreprises pour mieux asseoir leur emprise", estimait le collectif.
En juin 2019, un batelier de 52 ans, condamné en 2016 dans une affaire d'extorsion autour de ce juteux marché, avait également été tué sur le port de Bonifacio dans ce qui avait été analysé par le procureur d'Ajaccio de l'époque comme une possible réplique dans la guerre du secteur.
En avril 2024, dix personnes avaient ainsi été mises en examen dans une enquête pour extorsion et blanchiment autour de la "prise de contrôle d'un village de vacances" et "des conditions d'exploitation d'une société de promenade en mer, en Haute-Corse", avait annoncé le parquet de Marseille.