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Terrorisme

Par quels mécanismes des mineurs basculent-ils dans le terrorisme?

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En une semaine, trois mineurs soupçonnés d'avoir voulu commettre des attentats ont été interpellés en région parisienne. Michel Fize, sociologue au CNRS, explique à BFMTV comment la radicalisation puis l'éventuel passage à l'acte se produit chez les plus jeunes.

Leur jeunesse soulève de nombreuses interrogations. Trois mineurs de 15 ans ont été interpellés en moins d'une semaine dans la capitale et en région parisienne. Ils sont soupçonnés d'avoir voulu commettre des attentats. Les suspects étaient tous en lien avec le jihadiste français Rachid Kassim sur la messagerie cryptée Telegram.

Cette cible, particulièrement vulnérable, fonctionne selon des mécanismes propres à sa tranche d'âge. Michel Fize, sociologue au CNRS, a mené une enquête sur ce sujet. L'auteur de Radicalisation de la jeunesse publié chez Eyrolles a livré mercredi sur BFMTV son éclairage en répondant à trois questions.

> Comment expliquer cette radicalisation?

Ces jeunes ne sont plus liés à notre société. Ils ont probablement des problèmes de communication avec leurs parents. Pour beaucoup, ils ne sont plus connectés à l'école. Ils connaissent généralement l'échec scolaire ou une insatisfaction par rapport au milieu éducatif. Ils se retrouvent déconnectés par rapport à l'avenir et éprouvent un sentiment de vide et de perte de sens. Cela entraîne une forme de désespoir et de colère, mais aussi une volonté de se faire valoir et reconnaître, d'être quelqu'un. On sait bien qu'on est quelqu'un aujourd'hui par un acte spectaculaire ou choquant. Le fait qu'il y ait des passages à l'acte avec de simples armes blanches montre qu'on est dans une accessibilité rapide. 

> Comment en vient-on à basculer dans une affaire de terrorisme?

Ils sont dans la recherche d'une reconnaissance exemplaire. Il y a le sentiment d'être des enfants perdus de la République. Lorsque l'on regarde les dossiers de ces jeunes, ils appartiennent pour beaucoup à des milieux très populaires. Ils sont encore majoritairement issus de l'immigration maghrébine ou originaires d'Afrique subsaharienne. Ce sont des jeunes qui sont au plus bas de l'échelle, les plus en difficulté. Même si cela peut paraître choquant, il y a aussi un côté un peu ludique avec la fascination pour les armes, très faciles à se procurer. Ces mineurs peuvent aussi connaître une certaine confusion entre la réalité et la fiction.

Pour l'instant 35 mineurs sont mis en examen, 9 détenus, le phénomène risque-t-il de prendre de l'ampleur?

Il y a quelque chose de très nouveau. Autrefois, l'outil principal de radicalisation, c'était la mosquée voire les prisons, qui deviennent des outils très archaïques par rapport à une messagerie comme Telegram. Internet est un outil de propagation extraordinaire. Il y à la fois un rajeunissement des auteurs de ces actes et une féminisation dont l'actualité a rendu compte récemment. Je l'avais observé dans mon enquête. Les réponses à apporter sont très difficiles parce qu'on a perdu beaucoup de temps. Il faut remettre du lien social, du succès à l'école et des perspectives d'avenir. Il faut tendre la main, ces jeunes ne sont pas des barbares. Si on est capable de leur donner de l'espoir dans un monde où ils auront leur place, on peut éviter ce genre de dérive.

E. M. avec Gilane Barret et Florence Duprat