Routes à 80 km/h: est-ce vraiment efficace contre la mortalité routière?

La limitation serait appliquée à certaines routes bidirectionnelles (avec deux sens de circulation) du réseau secondaire (photo d'illustration). - -
Réduire la vitesse à 80 km/h au lieu de 90 sur les routes de France? Manuel Valls est pour. En annonçant l'expérimentation de cette limitation dès cet été dans "quelques départements", le ministre de l'Intérieur a même pris de vitesse le CNSR, le Comité national de la sécurité routière, qui doit se prononcer d'ici quelques semaines sur la question.
Sauver 450 vies chaque année
Le ministre s'est appuyé sur un rapport présenté en novembre dernier par le groupe d'experts du CNSR, organe composé d'élus, d'associations, d'entreprises et d'administrations. Pour ces experts, réduire la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/h sur "les routes bidirectionnelles" (avec circulation à deux sens) constitue la mesure "la plus efficace pour réduire la mortalité". Pour eux, cela permettrait de sauver 450 vies chaque année si elle s'appliquait sur l'ensemble du réseau concerné.
Pourtant, au sein-même du CNSR, la mesure fait débat. La commission "alcool, stupéfiant, vitesse", la seule à s'être prononcée sur la question dans l'immédiat, a d'ailleurs émis un avis "majoritaire, mais non unanime", précise son président, le Dr Philippe Lauwick.
Formule mathématique
Parmi les opposants à la mesure, Pierre Chasseray. Joint par BFMTV.com, le délégué général de 40 Millions d'automobilistes, association membre du CNSR, estime que le raisonnement des experts ne se fonde sur aucune statistique concrète. "Le chiffre de 450 morts n'est que l'application d'une formule mathématique", estime-t-il. A savoir, 1 km/heure en moins = quatre vies épargnées.
Vrai, indique le Dr Lauwick, favorable à la mesure. "Mais cette formule s'est toujours vérifiée dans les faits, même en France. Depuis 2002, il n'y a pas eu de changements des limitations, mais un meilleur respect des règlements. Et la limitation du nombre d'accidents se corrèle avec la baisse générale de la vitesse", indique-t-il à BFMTV.com.
Un facteur aggravant
Un argument qui laisse Pierre Chasseray sceptique. Pour lui, ce n'est pas tant la vitesse qui est en cause dans l'accidentologie, que la "vitesse inadaptée" des automobilistes. "A 90 km/h, nous sommes dans le domaine du raisonnable. Le tout est de savoir adapter sa vitesse face aux obstacles. On le voit: les accidents dus à la vitesse se produisent essentiellement dans les virages".
Philippe Lauwick l'admet: à 80 km/h, le risque d'accident mortel existe, mais il est limité car si, pointe-t-il, la vitesse n'est "pas forcément le facteur déclenchant" des accidents, elle reste "un facteur aggravant". "A 90 km/h, le choc est plus important qu'à 80: il y a plus de dégâts et on a moins de chances de s'en tirer. Et plus la vitesse est réduite, plus le freinage est important".
Pas de risque zéro
Dans ce cas, le responsable de 40 Millions d'autombilistes craint qu'une limitation en entraîne une autre, car le risque zéro n'existe pas. "Jusqu'où va-t-on aller?", se demande Pierre Chasseray. "Quand on va voir qu'il y a encore des accidents à 80 km/h, on va descendre à 70, puis à 60?"
Le Dr Lauwick l'admet: "Il y aura aussi des accidents mortels à 80. Le tout était de trouver un compromis acceptable, pas de dire 'ne roulons plus'! Je suis un automobiliste comme les autres..."