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Police-Justice

Pontoise: huit hommes libérés d'être jugés pour trafic de stupéfiants à cause du manque de magistrats

La juge qui devait présider le procès est tombée malade la semaine dernière.

La juge qui devait présider le procès est tombée malade la semaine dernière. - Martin Bureau - AFP

Douze personnes, dont neuf détenues, devaient comparaître mardi devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour un trafic international de stupéfiants. La juge, à cause d'un problème de santé, n'a pu être présente à l'audience et n'a pu être remplacée. Le procès a été renvoyé à une date ultérieure, dépassant le délai légal de jugement d'une affaire.

"De la frustration". C'est ce que ressentent les policiers du Val-d'Oise, selon l'un d'entre eux, après la libération, mardi, d'individus mis en examen pour un trafic international de stupéfiants. Ce jour-là, devait débuter le procès de 12 prévenus, neuf d'entre eux comparaissaient détenus. Un juge malade, d'autres dans l'impossibilité de les juger, le tribunal n'a eu d'autre choix que de reporter le procès. La future audience aura lieu en mars 2019, bien après la période légale prévue pour juger des prévenus comparaissant détenus.

L'an dernier, dans le cadre d'une enquête débutée par le commissariat de Ermont, dans le Val-d'Oise, les policiers de la police judiciaire de Cergy-Pontoise appuyés par ceux de l'Office central de la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCTRIS) et des hommes de la BRI procèdent à l'interpellation de plusieurs suspects d'un trafic de drogue entre les Pays-Bas et la France. "C'est une belle équipe", reconnaît un enquêteur. Les suspects s'approvisionnaient en cocaïne, cannabis, héroïne, kétamine ou ecstasy avant d'inonder le sud-ouest de la France, de Bordeaux jusqu'à la frontière espagnole et jusqu'à Agen. La drogue, revendue notamment lors de rave party, transitait par Montigny-les-Cormeilles, dans le Val-d'Oise.

Des postes de magistrats vacants

Le procès des douze suspects devaient débuter mardi devant le tribunal correctionnel de Pontoise et se tenir jusqu'à la fin de la semaine. Mais quelques jours avant l'ouverture des débats, la magistrate qui devait présider les audiences s'est retrouvée dans l'indisponibilité d'assurer cette charge, a appris BFMTV confirmant une information d'Europe 1, pour des raisons médicales. Débute alors pour la présidence du TGI de Pontoise un véritable casse-tête pour tenter de trouver un remplaçant.

Confrontée au manque de magistrats sur certains postes, la juridiction a dû faire face à un autre souci: le conflit d'intérêt. En effet, une autre magistrate n'a pu présider le procès car elle avait déjà statué en qualité de juge des libertés et de la détention sur une demande de libération anticipée déposée, il y a quelques semaines, par l'un des prévenus de cette affaire.

La date butoir dépassée

Dans cette configuration, en l'absence d'un président d'audience, prêt pour juger ce dossier complexe nécessitant de la préparation, lors des débats de mardi, la justice n'a eu d'autre choix que de reporter le procès. Le parquet de Pontoise a requis un renvoi au mois de juillet. "En raison de la charge de l’ensemble des audiences correctionnelles du tribunal de grande instance de Pontoise pour les mois à venir, le tribunal a renvoyé l’affaire à l'audience qui se tiendra du 5 au 8 mars 2019", a expliqué la présidence dans un communiqué.

Une date entraînant ainsi la libération obligatoire des mis en cause placés en détention. En effet, selon l'article 179 du Code de procédure pénale, un détenu doit être automatiquement libéré si son procès n'est pas organisé dans un délai de six mois à partir de la date de renvoi devant le tribunal. L'ordonnance date, dans ce dossier, du 19 février dernier.

"Pour les enquêteurs il y a de la frustration, mais j'imagine aussi la frustration des magistrats, s'agace Ludovic Collignon, responsable du syndicat Alliance Police dans le Val-d'Oise. Cette affaire démontre les véritables dysfonctionnements, non pas des juges, mais de la justice. Si les magistrats avaient moins de dossier à leur charge, on pourrait juger plus rapidement." 

Récidive

Relâchés, les huit prévenus (le neuvième reste en détention en raison de son implication dans une autre affaire), ont été placés sous contrôle judiciaire. Il leur est interdit de se contacter, de retourner à Montigny-les-Cormeilles ou en Gironde ou de sortir du territoire. Ils ont l'obligation de présenter une adresse à la justice, de pointer une fois par semaine au commissariat ou encore trouver un emploi. "S'ils étaient placés en détention provisoire, c'est que les garanties de présentation à leur procès n'étaient pas garanties", estime toutefois le policier qui craint une fuite des prévenus ou une reprise du trafic. 

La récidive ne pourrait alors être retenue par la justice en mars 2019, les hommes n'ayant pas été condamnés définitivement pour cette affaire.

Justine Chevalier avec Cécile Olliver