Paris: un ex-militaire jugé pour avoir tué un "frère d'armes" par accident

Des soldats français rentrant de mission en Afghanistan, en décembre dernier. - Shai Marai - AFP
Dans la chambre des affaires militaires du tribunal correctionnel de Paris, il se tient là, comme dépassé par la situation, devant l'arme avec laquelle il a tiré accidentellement sur Clément Kovac en 2011. Antoine, grand baraqué de 27 ans, a tenté mardi d'expliquer à la cour pourquoi le coup était parti. Après six heures de débats, la procureur a requis deux ans de prison avec sursis, et le jugement a été mis en délibéré au 3 novembre. Retour sur les faits.
Un accrochage avec des talibans avant le drame
Le 11 juillet 2011, l'ambiance est très tendue sur l'une des bases militaires françaises en Afghanistan. Un convoi d'une dizaine de véhicules blindés et de chars revient au campement, après deux jours de mission d'observation dans une zone extrêmement dangereuse. "Sur le chemin du retour, le convoi se fait attaquer par des insurgés talibans. Antoine tente de faire feu avec son arme, qu'il n'avait encore jamais utilisée, une minimi (mini-mitrailleuse, pesant une dizaine de kilos, ndlr), mais il connaît des incidents de tirs", raconte à BFMTV.com Me Guillaume Demarcq, avocat des parents de la victime.
L'accroche se termine sans blessé du côté des troupes françaises, mais le convoi rentre à toute allure sur la base. Les militaires sont sous pression. Et contrairement à la procédure habituelle, ordre est donné au convoi de véhicules de pénétrer en rang par deux et non en "file indienne" dans le sas de sécurité de la base, long d'une soixantaine de mètres. Une décision qui sera fatale à Clément Kovac.
Touché sous l'aisselle en sortant du char
Antoine, qui se trouve dans un véhicule de l'avant blindé, désengage la mini-mitrailleuse de son épaule, et la pose à l'horizontale sur un bi-pied, devant lui. Engoncé dans sa tenue, il ouvre le couvercle d'alimentation de l'arme pour tenter de comprendre pourquoi elle n'a pas fonctionné durant l'assaut. Au même instant, Clément s'extrait à la force des bras du char, qui avance à côté du véhicule d'Antoine. C'est à cet instant que le coup part.
"La balle arrive sous l'aisselle de Clément, seul point faible dans son gilet pare-balles. Les équipes tentent de le réanimer pendant une quarantaine de minutes, mais Clément est mort quasiment sur le coup", lâche l'avocat.
Une arme rare au fonctionnement particulier
L'enquête qui s'ensuit va démontrer des dysfonctionnements flagrants dans la formation au maniement des armes dans l'armée, renforcée depuis ce drame. "C'est la première fois que je m'en servais", a reconnu mardi devant la cour le soldat, qui a quitté l'armée après un long arrêt-maladie. Très différente du traditionnel Famas, la mini-mitrailleuse 7,62, dont l'usage est relativement rare, nécessite une formation "d'au moins une semaine en métropole", estime Me Demarcq. Antoine, lui, avait eu quelques explications sur la base.
Pourquoi n'a-t-il pas attendu d'être en sécurité pour examiner son arme? Pourquoi ne l'a-t-il pas pointé vers le plafond? L'ex-première classe, jugé pour homicide involontaire, peine à répondre. "Il n'avait sans doute pas pris pleinement conscience que cette arme pouvait tuer", soupire l'avocat.
Clément Kovac avait 22 ans lorsqu'il est mort ce jour-là. "Il rêvait depuis tout gamin de devenir militaire", raconte Me Demarcq. Engagé depuis quatre ans dans l'armée, il effectuait en Afghanistan sa première opération extérieure.